DUPONDT SE JETTE A L'EAU

Bonjour à toutes et à tous,

Rappelez-vous il y a un peu plus d’un siècle. 107 ans pour être précis. Nous étions alors le matin du mardi 14 juillet 1914. Un jour de fête nationale, dans l’ombre de la grande guerre à venir.

Cannes, récompenses et solution officielle

Avertissement SPOIL

Ce forum contient de nombreux indices. Si vous aspirez à résoudre cette énigme seul(e), nous vous conseillons alors vivement de le parcourir avec prudence, afin de ne surtout pas gâcher votre plaisir.

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    • #2627
      DUPONDT
      Participant

      Cette nouvelle solution que je propose, la troisième, reprend beaucoup d’éléments de « LES DUPONDT N’ONT PAS DIT LEUR DERNIER MOT ».

      Mais elle va plus au fond des choses et cherche à utiliser l’ensemble des documents mis à notre disposition par l’auteur. Elle amène une conclusion assez différente de la précédente.

      Cette solution sera présentée dans ce post en 10 exposés d’inégales longueurs, les uns à la suite des autres, sur une quinzaine de jours, le temps de vous laisser digérer les 40 pages qu’elle contient !

      Je demande aux différents intervenants d’attendre la mise en ligne du dernier exposé pour réagir sur un nouveau post qui sera ouvert à cette occasion :

      CRITIQUES SUR LA SOLUTION « DUPONDT SE JETTE A L’EAU ».

      Merci d’avance pour vous commentaires constructifs.

      DUPONDT

      • Ce sujet a été modifié le il y a 6 années et 5 mois par DUPONDT.
    • #2631
      DUPONDT
      Participant
      • Le Castafiore, 20/07/1914

      Exposé 1 :

      Chers amis,

      Je vous ai réunis tous les cinq dans ce salon que vous connaissez bien à présent pour vous présenter le dénouement tant attendu de cette fâcheuse affaire. Je vous remercie tous de vous être libérés pour répondre à mon appel. Comme mon exposé risque d’être passablement long, installez-vous confortablement dans ce canapé, ces fauteuils et ces chaises. Quant à moi je resterai debout pour assurer à mon cerveau une irrigation optimum. Comme vous le savez, la position assise a tendance en effet à contrarier la circulation sanguine vers les neurones.

      Préalablement, permettez-moi de vous nommer par vos prénoms pour raison de commodité, avec tout le respect que je vous dois : RM,  Louise, Aurélien, Cesare, Ernest.

      De même j’utiliserai le prénom Charles.

      Je précise qu’Heinrich n’a pas répondu à mon invitation, et qu’il doit être  en route pour l’Allemagne à l’heure où je vous parle.

      Rendons à César ce qui appartient à César, euh, non pas à vous, Cesare… Laissez-moi-vous présenter le lieutenant Sam13, mon adjoint depuis le début de cette enquête. Il m’a conforté dans ma résolution en apportant des éléments perspicaces, son analyse fine sur certains aspects obscurs, il a présenté des contre- arguments solides qui m’ont orienté, il m’a motivé à continuer. Il est intervenu au bon moment lorsque j’allais de nouveau m’égarer en fin de parcours. Je lui laisserai la parole le moment venu. Je le remercie pour son aide efficace.

      Je sais qu’il travaille encore une autre piste, pas totalement convaincu par ma solution. Cette énigme est tellement complexe que je lui pardonne son léger manque de confiance à mon égard et lui souhaite bon courage. Je suis prêt à l’aider si besoin, il  le sait.

      Le sergent Albatur, malheureusement  pris par ailleurs, a suivi de près nos avancées. Par son impatience à en voir le bout, il a eu un rôle moteur.

      Les présentations faites, venons en maintenant à l’enquête.  Le ministère de l’intérieur m’a fait  appel pour tenter de démêler les nœuds de cet incroyable imbroglio. Vous avez bien fait, car là encore DUPONDT triomphe à découvrir la vérité. Je dois avouer qu’il s’agit là de la plus difficile affaire qu’il m’ait été donné de résoudre. J’ai d’autant plus de mérite que j’y aie travaillé tout à fait bénévolement. Au cas où, mon chapeau melon est sur la table. Si vous le souhaitez, vous pourrez y glisser quelques francs pour les bonnes oeuvres de l’association des détectives amateurs éclairés (A.D.A.E.).

      Un point préalable : je vous prie de ne pas m’interrompre durant tout mon exposé, car je dois garder le fil de ma réflexion. Je sais que cela va être difficile pour RM, mais courage madame, un petit effort.

      La méthode de travail :

      Ressortir la dimension psychologique des protagonistes, ne pas l’oublier, c’est souvent    la clef : étude des caractères, sentiments, passions …

      Le souci des détails : toute la crédibilité de l’ensemble ne repose que sur des faisceaux de présomptions, qui bout à bout, conduisent à la solution. Une mauvaise interprétation d’un seul élément, aussi futile soit-il, et c’est toute la construction de ce château de cartes qui s’effondre, j’en ai conscience.

      En respectant ces deux points fondamentaux, je pouvais espérer réussir à choisir la bonne piste parmi toutes celles qui s’offraient : affaire d’espionnage, de contre-espionnage, crime passionnel, ou encore simple accident.

       

      Je vous propose de rappeler le contexte général de cette redoutable énigme et de présenter succinctement les deux personnages centraux, j’ai nommé RM et Charles, et la teneur de leur relation.

      Nous voici peut-être à la veille de la première guerre mondiale. Pour une part non négligeable Raymond Poincaré, notre Président,  pourrait être responsable du déclenchement de cette guerre. Certains lui donnent déjà le surnom de « Poincaré la Guerre ». Quelques voix s’élèvent pour la refuser, dont vous RM, et la victime, Charles.

      RM, je me suis interrogé sur vos relations avec le Président. Vous êtes indéniablement une femme admirable, une diva internationale, une sommité dans le monde de l’art lyrique, mais votre aura dépasse largement ce cadre. Votre avis compte dans les milieux politiques, mais également dans la société française en général. Vous avez l’oreille du Président qui d’une certaine façon vous craint, car vous pouvez retourner l’opinion publique contre lui. Vous êtes une femme de caractère, détester la mollesse et la couardise.

      Je dois reconnaître que je vous ai d’abord soupçonné d’être une espionne au service des Renseignements Français. J’ai lu sur quelques articles que l’on vous surnommait « l’aventurière ». C’est le même qualificatif qui a été employé pour une autre grande personnalité contemporaine : Mata Hari, espionne notoire au service du gouvernement français, mais aussi  soupçonnée de collaboration avec l’Allemagne. De part votre travail, votre célébrité, et des nombreux voyages à travers le monde, vous pouviez vous aussi travailler pour ce service. Erreur,  je suis persuadé que votre combat est sincère, Vous êtes engagée corps et âme pour la paix, vous la servez de façon pacifique, avec votre simple voix. Je m’incline.

      Passons à votre relation avec la victime. Charles était comme vous un serviteur inconditionnel de la paix, c’est ce qui vous a rapproché. Jeune diplomate plein d’ambition et de verve, il cherche depuis un an à vous séduire. Il peut aussi facilement vous donner les renseignements sur ce qui se trame dans les coulisses du pouvoir. Ces renseignements qui vous font dire « ils sont fous là-haut, ces va-t-en guerre »!

      Bien sûr, Charles est un séducteur né, un tombeur de jupons, il fréquente depuis plusieurs mois le Castafiore qui est devenu son lieu privilégié de conquêtes d’artistes féminines. Il collectionne  les femmes, le saviez-vous ? Il a même utilisé avec vous un stratagème mis au point avec Ernest, pour épater et séduire les femmes : le faux message urgent du Président Raymond Poincaré. Cela pose son homme, et cela marche à tous les coups.

      Vous aviez toujours repoussé ses avances. Mais depuis peu, j’ai découvert que vous avez partagé quelques moments intimes avant cette journée du 14.

      Près de vous sur la scène ce 14, à l’abri des oreilles indiscrètes, il décide de mettre le paquet pour vous finir de vous séduire, il est habillé comme un prince, il sort le grand jeu, le tout pour le tout, il a prévu le bouquet de roses dans la loge, la petite carte qui l’accompagne. Il vous enthousiasme avec son combat, tel un gladiateur des temps modernes. Vous commencez vraiment à tomber sous son charme. Vous allez réfléchir à sa proposition de passer au moins un après-midi à la campagne en votre gracieuse compagnie, une fois le concert parisien terminé…

      Après toutes ces années de célibat, sur lesquelles nous reviendrons plus tard, on peut ouvrir de nouveau son cœur si le jeu en vaut la chandelle. Sait-t on jamais? Le cœur a ses raisons que la raison ignore. Même votre dévouée Louise, que vous chérissez comme une sœur, vous incite à vous dévoiler un peu plus à Charles, à laisser tomber le masque.

      Toc toc toc – on frappe à la porte.

      Mes amis, je vous présente M Jasmin, fleuriste, à qui j’ai demandé de nous rejoindre. C’est lui qui a livré ce diabolique bouquet de 36 roses rouges.

      Merci d’être venu M Jasmin. Derechef, je vous pose une question précise dont la réponse aura une importance fondamentale pour la suite de cette enquête.

      Sachez que ce n’est pour moi qu’une simple confirmation de ce que je sais déjà. Mais les personnes de cette pièce ont besoin de l’entendre de votre bouche.

      Qui vous a appelé du Castafiore le matin du 14, et qu’elle était le contenu de la l’appel ?

      « Je m’en souviens très bien, c’était comme d’habitude un appel d’Ernest, vers 7h10. C’était tôt, mais le jour du 14 juillet nous avons beaucoup de bouquets à préparer pour les commémorations et nous étions déjà ouverts.

       J’ai bien reconnu sa voix. Il appelle la boutique car il y a régulièrement des fleurs à livrer pour des commandes d’admirateurs d’artistes. Cette fois-ci 36 roses de la part d’un diplomate célèbre, 18 roses jaunes et 18 de couleurs roses, je m’en souviens très bien car ce n’est pas habituel. Je préparais la commande lorsqu’une personne m’a de nouveau appelé du Castafiore. Je n’ai pas reconnu la voix, mais il s’agissait simplement de mettre des roses rouges à la place de l’assortiment roses/jaunes. Un commis a porté le bouquet. Avec Ernest il semble qu’il y ait eu un petit différent au moment de la livraison, car il a soutenu  que nous nous étions trompés pour la couleur des fleurs. Mais mon commis n’était au courant de rien, nous avions beaucoup de travail, et la commande était déjà  payée  par un coursier envoyé spécialement depuis le palais  de l’Elysée vers 7 h10. »

      Merci pour votre collaboration, M Jasmin, mais avant de partir, si Ernest nous servait un peu de ce fameux cognac Baron Otard, pour nous rafraîchir quelque peu le cortex. Merci Ernest.

      Ernest vous pouvez  raccompagner M Jasmin et ne vous perdez pas en route, nous vous attendons pour poursuivre!…

      <u> </u>

       

      • Cette réponse a été modifiée le il y a 6 années et 5 mois par DUPONDT.
      • Cette réponse a été modifiée le il y a 6 années et 5 mois par DUPONDT.
      • Cette réponse a été modifiée le il y a 6 années et 5 mois par DUPONDT.
      • Cette réponse a été modifiée le il y a 6 années et 5 mois par DUPONDT.
    • #2636
      DUPONDT
      Participant

      Exposé 2

      Avant de prendre en compte le témoignage de ce fleuriste dans le déroulé chronologique précis de cette journée qui aboutira immanquablement à la solution que vous attendez tous, je préfère en terminer avec l’étude de la  piste espionnage et meurtre prémédité.

      Quels auraient été le commanditaire et l’exécutant ?

      Le  Président Poincaré lui-même qui aurait donné des ordres dans ce sens ? Ce serait trop risqué, il y a tellement de témoins dans cette affaire. Il l’aurait fait exécuter Charles dans un endroit beaucoup plus discret. Cette hypothèse ne tient pas la route une seconde.

      A part le Président, qui d’autre pouvait avoir intérêt à  tuer Charles pour l’empêcher d’accomplir sa mission diplomatique? Bien sûr il n’a pas été très discret à ce sujet et tout le petit monde du Castafiore devait être au courant de son départ pour Berlin. Il était si enthousiaste qu’il l’a presque crié sur les toits.

      Heinrich, de part ses origines et métier, journaliste allemand, était trop suspect. Joueur certainement, séducteur, intelligent,  manipulateur oui. Mais espion, franchement non. Meurtrier, peut-être, mais pas pour les mêmes raisons. Ce point sera dévoilé en tant voulu.

      Toutes les autres personnes assises dans cette pièce n’ont pas de liens plausibles avec le milieu des espions.

      Plus généralement, aucune ne présentent à mes yeux les caractéristiques  propres à un meurtrier,  déterminé,  susceptible d’accomplir froidement un assassinat prémédité.

      Cesare, votre personnalité proche de celle du serpent selon certains dires, votre intelligence redoutable, voire machiavélique, pouvait me faire hésiter, mais j’ai décliné cette possibilité. Vous êtes trop intelligent pour risquer de gâcher votre situation actuelle et votre possible future carrière politique.

      Aurélien, vous êtes violent, vous avez un casier judiciaire déjà bien rempli, et sans l’aide de RM qui a réussi à plusieurs reprises à étouffer vos dérapages, vous seriez probablement sous les verrous. Violent certes, mais pas meurtrier. – dans votre déposition, vous insistez trop sur le fait « que vous auriez bien boxé Charles, vous étiez parti pour le faire », mais hélas pour vous, Charles était déjà Knock-out, assommé par votre  Louise, sous entendu vous auriez pu aller jusqu’à tuer Charles si votre femme  ne l’avait déjà fait pour vous. A mon sens, Aurélien peut donc être écarté définitivement du rang de meurtrier.

      Ernest, en dehors d’un goût immodéré de la boisson qui vous joue parfois des tours, vous travaillez ici depuis l’âge de 12 ans,  et à part quelques broutilles liées à votre alcoolisme, vous êtes irréprochable. Vous n’avez aucun motif pour justifier le meurtre de Charles, devenu en quelque sorte votre ami, fournisseur de bonnes bouteilles, et complice dans le stratagème du « piège à dames ».

      J’exclue bien sûr RM, vous vous trouviez sur la scène au moment du décès de Charles.

      Louise, vous présentez un double visage, celui d’une personne naïve, fragile psychologiquement, pour le moins charmante, mais d’un autre côté ambitieuse,  déterminée, manipulatrice, prêt à tout pour assouvir votre désir de réussite sociale. Mais tuer un homme froidement, cela ne cadre pas avec votre personnalité.

      Reste l’hypothèse d’une personne extérieure au Castafiore qui aurait pu commettre cet assassinat. Nous verrons en temps utile que cette piste sera également écartée.

      Donc, pour moi, la piste du décès par accident a été rapidement privilégiée.

       

      Je vous propose maintenant de dérouler l’aspect chronologique des faits en commençant par  les années antérieures à 1911 jusqu’à 1914.

      Avant 1911 :

      RM et son mari Albert Blanche habitent le célèbre château de Chamarande, situé à 40 kilomètres de Paris dans l’Essonne. Albert est fou amoureux de RM. Pour lui témoigner son amour, il lui a acheté un bijou extraordinaire, le Mille-Feux.

      Ils fréquentent une riche famille normande, De Chanteloup. Le fils Aurélien est un pianiste virtuose. Il a une forte attirance pour Louise, une domestique de 18 ans employée par la famille Blanche. Elle habite le bourg de Chamarande. Aurélien vient souvent la voir dans ce château avec ses parents.

      Cesare, meilleur ami d’Albert, s’est rendu compte que RM a un don pour le chant. Il lui propose de l’aider à démarrer une carrière de diva internationale. Cesare lui fait miroiter le succès, les tournées, les robes et les honneurs. RM est convaincue et en parle à son mari Albert. Elle lui annonce qu’elle va le quitter.

      Albert prend cette décision très mal, il se rend compte que RM tient plus à sa passion musicale qu’à lui-même. Il envisage avec détresse une possibilité d’amour entre Cesare et RM.

      1911 – Brisé, il décide de façon brutale de se donner la mort, par exemple d’un coup de revolver dans la tempe. Cela saigne beaucoup. Bientôt son corps est entouré d’une mare de sang. Des roses rouges qu’il venait d’offrir à sa femme  sont tombées en même temps dans sa chute, et gisent à côté de lui. Louise est la première personne à le découvrir, et elle appelle au secours. En voyant la scène RM crie de toutes ses forces et s’évanouit. Cesare, Louise, Aurélien et RM assistent à la scène.

      La police enterre vite ce dossier scandaleux, on conclut à un simple accident domestique, Cesare a déjà une influence certaine auprès des milieux judiciaires. Les affaires de suicide ne se disaient pas dans ces milieux de noblesse rurale.

      Durant toutes les années suivantes, RM garde cette  image obsédante et horrible en mémoire, son cœur se durcit. Elle se sent moralement coupable de la mort de son mari et refuse toutes les avances des autres hommes nombreux à lui faire la cour.

      Ernest, peux-tu donner un mouchoir à RM qui retient avec difficulté quelques larmes. Mais non, pas le linge que Charles a utilisé pour essuyer la bouteille de cognac !

      1912 – Louise rejoint la troupe à 19 ans.

      RM décide de garder Louise, elle peut faire une très bonne assistante, et elle préfère l’avoir tout près d’elle  pour éviter qu’elle ne parle de ce suicide. RM a  l’idée du mariage  avec Aurélien, elle conserve ainsi tout ce petit monde sous la main. De plus Louise a été perturbée par ce suicide, elle multiplie ses aventures avec les hommes, il faut la cadrer et la protéger.

      RM jeune veuve,  sans enfant, en détresse psychologique, se rapproche au fil du temps affectivement de Louise, la petite sœur qu’elle n’a pas eue et à qui elle pourra se confier.

      J’ouvre une parenthèse : pour confirmer ce scénario que j’imagine, puisque aucun élément probant n’apparait dans le dossier, j’évoque une lettre d’amour manuscrite rédigée par Cesare le 14 7 1914, puis déchirée, et retrouvée en morceaux près du corps de Charles. Cesare explique à RM que le temps est passé depuis cet accident, trois longues années, qu’elle ne doit plus se sentir responsable de la mort d’Albert « nous n’avons pas les mains rouges » et qu’ils doivent tous les deux tourner la page. Cesare, par respect pour son meilleur ami Albert, a attendu toutes ces années pour lui avouer enfin son amour. Je referme la parenthèse.

      1913 – Année probable du mariage de Louise avec Aurélien. Louise veut pouvoir rester à côté de RM. Elle cherche à apprendre d’elle pour l’imiter (sa façon de se tenir, de s’habiller, de s’exprimer…) et voler rapidement de ses propres ailes. En épousant le pianiste virtuose, elle est certaine de conserver sa place d’assistante auprès de RM, et en plus elle gagne un nom à particule, Louise de Chanteloup, ce qui ne gâte rien.

      Pour Aurélien, ce mariage est le couronnement de son amour pour Louise. Mais il devient très vite malade de jalousie. Il est brutal. Il devient paranoïaque. Il s’est souvent battu contre des hommes qu’il supposait courtiser sa femme. Le couple est peu assorti et bat de l’aile. Louise est prête à quitter Aurélien pour un homme qui pourrait lui promettre monts et merveilles.

      1913 est également l’arrivée à Paris d’ Henrich, journaliste allemand. Il s’intègre parfaitement à la vie parisienne, jusqu’à parler couramment le français.

      Mes amis, je crains que l’exposé de la solution soit plus long que prévu initialement. Tout est dans ma tête, là, mais il faut pouvoir vous restituer le déroulement précis, remettre dans le bon ordre et en perspective chacun des éléments fournis dans ce dossier. C’est pourquoi, je sollicite une petite pause. Je vous laisse vous détendre, dégourdissez vous les jambes. Je précise que Colin, qui n’a pas pu participer à notre réunion, a laissé un agent devant chaque entrée de ce théâtre, et oui, c’est une de ses habitudes, laisser des agents de-ci de-là…

      Ernest, pour te rendre utile, peux-tu nous resservir de ce cognac présidentiel, juste un doigt…

      • Cette réponse a été modifiée le il y a 6 années et 5 mois par DUPONDT.
    • #2638
      DUPONDT
      Participant

      Exposé 3

      Mes amis, nous allons pouvoir poursuivre notre petite réunion après cette interruption. J’espère que vous avez pris quelques forces car je vais évoquer à ce stade de l’enquête l’aspect chronologique des évènements à partir de l’année 1914.

      Au préalable, je tiens à m’excuser auprès de RM pour m’être trompé au sujet des roses. Elle m’a glissé à l’oreille qu’il n’y avait pas de bouquet de roses au moment du suicide d’Albert. RM déteste la couleur rouge, mais aime cette fleur, la plus belle de toute selon ses propres dires.

      Cette erreur d’appréciation réparée, reprenons le fil de l’exposé.

      A partir de mars 1914, Heinrich commence une série d’articles sur les grands monuments de Paris dans un journal culturel français le « Comoedia ». C’est un succès, les ventes montent en flèche.

      Courant avril 1914 –  à l’occasion de la préparation de son article sur les grands magasins des boulevards parisiens, il rencontre une jeune vendeuse Hortense Debaisieux qu’il séduit facilement car il est jeune, intelligent, bien fait de sa personne et sait parler aux femmes.

      Paris 29 avril – son article sort dans le journal

      Reims 29 avril – Début de la tournée RM chante.

      Dijon 6 mai – Louise quitte provisoirement la troupe  pour se rendre à Paris. Elle veut s’occuper de son père malade dont elle se sent très proche. Elle a déjà perdu sa mère lorsque qu’elle était très jeune.

      Paris 8 mai : Louise se rend à la Sainte Chapelle prier pour la guérison de son père et brûler un cierge. Heinrich, qui prépare un article sur ce monument, remarque Louise et tombe sous le charme, elle est jeune, belle et touchante. Au départ, elle ne sera qu’une nouvelle prise à inscrire sur son tableau de chasse.

      Heinrich sait parler aux femmes, mais il sait  aussi faire parler les femmes.

      Rapidement Louise se confie à lui : son travail d’assistante de RM, les tournées, les toilettes, le luxe et surtout les bijoux, dont le Mille-Feux, collier d’une valeur inestimable. Heinrich analyse rapidement Louise : jeune femme naïve, fille de la campagne, psychologiquement elle semble fragile, une proie facile. Il lui promet un succès rapide et vertigineux. Voler de ses propres ailes, soit, mais pour cela il faut de l’argent et une sacrée dose de témérité. Heinrich lui apporte les deux. Heinrich, réussit l’exploit de mettre dans la tête de Louise l’idée du vol  du Mille-Feux, « ce terrible projet aux allures de fabuleuse aventure », phrase que nous pouvons retrouver dans la lettre enflammée et tellement peu sincère qu’il envoie à Louise. Cette lettre tapée à la machine pour que personne ne puisse reconnaître son écriture. Mais ce qui m’a mis la puce à l’oreille, c’est la dernière phrase de cette lettre, « madame l’aventurière ». Il est le seul à avoir utilisé cette expression lors de votre déposition, « Louise aventurière des temps modernes ».

      13 mai  – article de Lucien « Le fantôme du Père-Lachaise » : Cet article de journal divertissant à lire prouve que le fils d’Ernest a du style et beaucoup de talent. Ses phrases enlevées où l’ironie n’est jamais loin font mouche. Charles a lu cet article, il se servira de Lucien par la suite.

      – article d’Heinrich sur la Sainte Chapelle.

      Lyon 14 mai : Heinrich  assiste au concert de Lyon dans l’après-midi. Succès. Il pressent l’intérêt de couvrir cette tournée d’un point de vue journalistique. Enormes tirages en perspective. De plus en étant au sein de la troupe, il aura l’œil sur les habitudes des uns et des autres et pourra monter un plan pour voler le fameux bijou.

      Nous arrivons maintenant à l’histoire du bijou qui m’a donné aussi pas mal de fils à retordre.

      Plusieurs possibilités : là encore, il faut choisir la bonne voie qui conduit à une solution finale logique et cohérente :

      Heinrich se rend chez un  bijoutier connu de Lyon  pour commander un faux. Or on ne commande pas une imitation du Mille-Feux, tellement célèbre, sans prendre des risques.

      Ceci établi, quelle doit être sa qualité ? Imitation médiocre, correcte, ou parfaite ?

      Si la commande exige une très bonne imitation : prévoir un prix élevé. Heinrich est à l’abri du besoin avec le succès de ses articles de presse, et les gains au jeu, il peut l’acheter. Mais le bijoutier peut avoir des soupçons et prévenir RM. De plus il faudra trouver un dessin parfait de ce bijou comme modèle. On peut aussi  imaginer que ce bijoutier est celui qui a fabriqué l’original. Albert habitait dans l’Essonne, il est peu probable qu’il ait passé sa commande à ce bijoutier. Imaginons que si. Cet orfèvre est le meilleur de France. Il a même gardé le dessin original du Mille-Feux. Dans ce cas, il est évident qu’il va trouver cette commande d’une imitation semblable à l’original pour le moins louche. Il contactera RM pour avoir une explication. Le plan tombe à l’eau.

      Si la commande concerne une qualité moyenne voire médiocre : partir d’un dessin approximatif, remplacer l’or et les pierres précieuses par du cuivre et de la verroterie, RM, mais surtout le public, verra tout de suite que c’est une imitation. Là encore le plan tombe à l’eau.

      Question subsidiaire : pendant combien de temps RM doit croire que c’est un vrai ? A mon avis le plus longtemps possible, le temps qu’Heinrich disparaisse et se fasse oublier.

      Se pose le problème aussi de l’écoulement du Mille-Feux. C’est un bijou tellement  fameux, il est connu mondialement. Il a été reproduit sur des quantités de magazines, bref une fois volé, comment le revendre. Car l’hypothèse retenue : Heinrich vole le bijou pour de l’argent – il se compare un peu à Arsène Lupin, son mentor, gentleman séducteur cambrioleur.

      Voici l’hypothèse que j’ai finalement choisie, la plus cohérente à mon sens:

      Après le concert, en fin de soirée Heinrich se rend chez un bijoutier orfèvre de Lyon, devrais-je dire un receleur et escroc, « Trésors exquis ». Heinrich a un passé pour le moins trouble et quelques relations non recommandables.

      C’est l’une de ses anciennes amantes et complices, Melle Orfin, spécialiste des colliers sur mesure, des vrais comme des imitations. Sous une apparence respectable, ce commerce est en réalité une plaque tournante de trafic de bijoux vers la Suisse.

      Pour votre information à tous, Melle Orfin est aujourd’hui à l’abri du soleil, à l’ombre d’une belle cellule, malheureusement pour elle pas dorée.

      Heinrich lui commande donc une copie du Mille-Feux, suffisamment réussie pour que RM ne voit pas immédiatement la différence avec le vrai. Il faudra simplement  remplacer l’or par un mélange de cuivre et d’étain, et les rubis par quelques fausses pierres de belle tenue.

      Heinrich prévoit de fournir plus tard les éléments indispensables à Melle Orfin : des photos précises, le poids, le dessin parfait. La date ? Disons vers le 14 06, cela lui laisse un mois pour réunir les documents et un mois à l’orfèvre pour fabriquer le faux – départ au plus tard le 12  juillet  pour réception le 14 juillet au Castafiore.

      Son plan : dès qu’il aura en main le vrai bijou, il retournera à Lyon pour lui vendre. Ce bijou tellement exceptionnel serait très compliqué à écouler. Il fait donc appel à ce receleur lyonnais qui a un réseau bien rodé.

      Heinrich achète par la même occasion quelques pierres dorées et probablement de peu de valeur pour Louise. Il veut s’assurer un peu plus de son aide future. Ces pierres sont à mettre dans le même colis. Il demande à Melle Orfin de les livrer à son nom, au Castafiore. Un détail qui a son importance : ne pas mettre la flamme du bijoutier sur l’enveloppe, il ne faut pas savoir que le colis provienne du « Trésors Exquis ».

      Paris 15 mai : Heinrich retourne  dans la capitale auprès de Louise, sans même avoir pris le temps de visiter cette belle ville de Lyon. Trop pressé d’écrire son premier article d’une longue série : « Extraordinaire RM ». Le but : impressionner RM, Louise et Cesare par son talent de journaliste. Ne pas perdre de temps, il faut couvrir les autres concerts. Entrer vite dans la troupe pour réunir les documents attendus par Melle Orfin. Vous faire aider de Louise qui a accepté d’être sa complice.

      Paris 16 mai : parution de son premier article sur la tournée dans le journal Le Comeodia. Il fait beaucoup de bruit. Ce sera le début d’une longue série à succès.

      Entre le 16 mai et le 22 mai : Louise et Heinrich passent de bons moments ensemble dans la capitale, ils visitent la Tour Eiffel le 20 mai (le toit du monde – expression retrouvée dans la lettre d’ Heinrich).

      Marseille 22 mai – retour de Louise dans la troupe car son père est guéri,  mais il aura besoin de soins constants, cela risque de coûter cher. Mais Heinrich ne lui a t il pas promis fortune et gloire?

      Elle parle à RM de ce journaliste formidable avec l’intention de le faire entrer dans la troupe le plus rapidement possible. RM en discute avec Cesare. Cesare attendra le 9 juin pour prendre sa décision.

      Paris entre le 23 et le 29 mai : Heinrich, écrit une lettre d’amour à Louise, sur sa vieille machine à écrire. Je doute de sa sincérité de ses sentiments, cette lettre est tellement ampoulée. Heinrich peut tromper Louise, mais pas DUPONDT. En réalité il n’aime pas Louise, il l’utilise pour son plan, et la quittera dès que possible. Mais Louise tombe un peu plus dans le piège.

      Heinrich remet cette lettre à RM, l’entremetteuse, pour ne pas éveiller l’attention d’Aurélien, tellement jaloux. Dès réception, RM la donne à lire à Louise destinatrice finale qui la cache ensuite dans un tiroir de la loge de RM, normalement à l’abri des recherches éventuelles d’Aurélien. Heinrich, par son charme irrésistible a  réussi à se faire une alliée de RM.

      Toulouse 30 mai : Aurélien, maladivement jaloux, trouve cette lettre en fouillant dans les affaires de RM. Voilà qui va le mettre sur les dents les semaines suivantes.

      Bordeaux 8 juin – Rencontre d’Heinrich et Cesare. Heinrich présente l’article « Extraordinaire RM » à Cesare qui probablement l’a déjà lu. Cesare voit l’intérêt de garder auprès de lui ce journaliste talentueux. Il saura accélérer la carrière de RM et par la même servira ses propres intérêts.

      Bordeaux 9 juin – arrivée d’Heinrich dans la troupe.

      Le 14 juin : Heinrich a réunit les éléments pour la fabrication du faux bijou. Il les envoie à Melle Orfin.

      Nantes concert 18 juin – Le Havre concert 25 juin –

      29 juin : article de journal « Peur sur la ville »: le texte évoque des vols à répétition de bijoux à Paris dans les quartiers chics durant le mois de juin. Cela m’a inspiré l’idée du vol du Mille-Feux. Mais Heinrich n’est pas cet Arsène Lupin, et il a un bon alibi : il n’est pas allé à Paris durant tout le mois de juin, car il n’a pas quitté la tournée.

      Lille – concert le 3 juillet

      Le 8 juillet –  La troupe arrive à Paris pour préparer le dernier concert, le clou de la tournée.

      Un article de journal écrit par Lucien, date de parution le 9 juillet, concerne la mort d’Hortense. On retrouve son corps désarticulé en bas de la Tour Eiffel.

      1ere hypothèse que je n’ai pas retenue : Hortense décide de se suicider par dépit amoureux en se jetant du haut de la tour Eiffel. Intérêt de cet élément dans le cadre de l’enquête ? Cela confirme qu’Heinrich est bien le coureur de jupon que l’on supposait. Mais se suicide-t-on pour cette raison? L’aventure sentimentale avec Heinrich a été brève, deux mois au maximum.

      2 ème hypothèse qui a eu ma préférence : Heinrich fixe un rendez-vous à Hortense au bas de la Tour Eiffel. Heinrich lui avoue que c’est fini entre eux. En effet, pour lui, l’affaire du vol du collier avec Louise est bien plus attractive et lucrative que la simple aventure sentimentale avec Hortense. Heinrich doit donc se débarrasser de ce « fardeau » le plus vite possible, passez moi l’expression indélicate. Il lui fait part de son désir de rompre.

      Mais Hortense l’aime et lui fait une scène terrible, elle s’accroche à lui, elle ne veut pas admettre la fin de cet amour, et devient par ce fait, et malheureusement pour elle, un témoin gênant pour Heinrich.

      Sa décision d’Heinrich. Il s’assure du fait que personne ne connaissait leur liaison, Hortense n’en a même pas parlé à ses parents, elle est restée très discrète à ce sujet.

      Il pleut sur Paris, le couple monte les marches, il n’y a personne sur la dernière plate-forme.

      Heinrich l’étrangle et jette le corps sans vie d’Hortense en le passant par dessus la balustrade. Hortense a bien été assassinée, puisqu’elle n’a poussé aucun cri dans sa chute. Une personne qui se suicide aurait poussé un hurlement de terreur, de même le malheureux qui tombe dans le vide par accident. Donc à mon sens H. Debaisieux était déjà morte quand elle est tombée, tuée en haut de la Tour Eiffel.

      L’enquête des policiers a conclue effectivement à un assassinat par étranglement.

      Ce nouvel élément confirme l’audace d’Heinrich, pour qui tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins, y compris le meurtre. A l’heure actuelle il est en fuite et la police est à ses trousses. Espérons qu’on le retrouve rapidement. Mais malheureusement, depuis le 15 juillet, dernière date où on l’a vu au théâtre, force est de constater qu’il s’est évanouit dans la nature.

      Il est temps de parler du rôle de Lucien dans cette enquête. Le fils d’Ernest vient voir son père une fois par semaine, ici au Castafiore. Lucien est au courant du programme artistique par les affiches. Comme journaliste, il a tout de suite anticipé une possibilité de profit.  Avoir des informations et des photos prises depuis l’intérieur même du théâtre, partager au plus près la vie de la troupe,  voila qui va alimenter ses prochains articles. Le sujet RM va intéresser beaucoup de lecteurs. Bien sûr personne n’est au courant, même si Cesare a des doutes. Lucien donne une belle somme d’argent à son père Ernest pour qu’il s’achète un très bon appareil, il faut que les photos soient réussies! Il lui fourni d’ailleurs la documentation précise : un modèle PJ LUmen, obturateur KAïdos, Objectif Thioberg, avec son sac de luxe (sacoche) de chez Matoirs d’Os.

      Nous retrouvons ces annotations écrites par Ernest sur une publicité pour une marque bien connue de Cognac : Baron Otard. L’intérêt de ce message est la façon qu’a Ernest de prendre ses notes. Les 2 premières lettres de chaque mot. En majuscule pour un nom ou prénom. Cela m’a permis de déchiffrer les deux autres messages retrouvés sur les autres articles de journaux.  Nous en reparlerons le moment venu. Mais le parle, je parle, et j’ai la gorge qui se dessèche, Ernest une larme……

      • Cette réponse a été modifiée le il y a 6 années et 5 mois par DUPONDT.
    • #2640
      DUPONDT
      Participant

      Exposé 4

      Intéressons nous maintenant à l’article de Lucien concernant Battista Pera, ou l’art de la comédie italienne.

      Dans cet article, on apprend que l’Italie, en la personne de son représentant Battista Pera, œuvre pour faire passer le prestigieux train, l’Orient Express, sur son territoire. Retombées politiques, économiques évidentes pour l’Italie. C’est aussi devenu possible grâce à la construction en 1906 du tunnel de Simplon en Suisse.

      L’Italie propose donc un marché à la France : elle rejoindrait la Triple-Entente (France, Angleterre et Russie) et abandonnerait la Triplice, accord défensif avec l’Allemagne et l’empire Austro Hongrois.

      Battista Pera, éminent homme politique en charge de la culture, a travaillé dans ce sens avec acharnement et il est en passe de réussir. Les espions allemands ont sans doute remonté cette information auprès du gouvernement de Berlin. L’Allemagne est sur les dents. Si ce marché devait aboutir, Berlin verrait cela d’un très mauvais oeil. Ce serait pour elle un véritable camouflet prélude à une déclaration de guerre.

      De son côté, nous savons que Charles travaille de toute son âme pour la paix, contre les interventionnistes français nombreux placés dans les hautes sphères du gouvernement. Mais R Poincaré lui fait pour l’instant confiance.

      A ce moment de la reconstitution, je vais demander au Lieutenant Sam de vous expliquer son point de vue sur l’implication de Charles dans l’affaire de l’Orient –Express. Son idée intéressante et novatrice m’a servi d’élément déclencheur pour avancer dans mon propre raisonnement.

      « Si on analyse cet article, on note qu’il s’est passé un évènement hilarant à l’une de nos frontières qui ridiculise un personnage important italien, Battista Pera.

      Premier point, il s’agit forcément de la frontière franco-allemande puisque cela se passe dans l’Orient-Express  qu’il relie Paris à l’Allemagne en s’arrêtant à Strasbourg. Dans quel sens Battista prenait-il le train, ce n’est pas précisé… mais il est probable qu’il était en Allemagne et allait à Paris, car si cela ne concernait pas la douane française, il aurait été pratiquement impossible pour Lucien d’être au courant de cette histoire.

      Deuxième point, pourquoi à la frontière? Tout de suite on pense bien sûr au contrôle d’identité: Battista se fait arrêter à la frontière pour un problème de papier d’identité. 

      Troisième point, cela est lié à une histoire de jambe légère associée à de l’espionnage. Donc cela concerne une espionne.

      Donc, si on relie ces éléments entre eux:

      Battista vient d‘Allemagne et se rend sur Paris. Il se fait voler sa valise (ou sa sacoche) par une espionne avant de passer la frontière. La valise contient sans doute des documents importants (et de l’argent?) mais surtout ses papiers! On le descend du train à la frontière car impossible pour lui de prouver son identité. Pendant ce temps, le train continue tranquillement sur Paris avec l’espionne et la valise. »

      Merci SAM,  je prolonge cette hypothèse.

      Le 8 juillet : L’espionne lui vole ses papiers pendant qu’il dort. Mais plus important, selon moi, Charles a tendu un piège à Battista. Il lui demande de venir à Paris avec le projet d’accord déjà signé de l’autorité italienne, et bien sûr dans l’Orient express, puisque c’est le sujet dont on parle. L’espionne (à la solde de Charles) le racole dans le train. On imagine le tableau. Partie fine, boissons…Pendant la nuit elle met de l’argent liquide dans la valise de Pera pour justifier de soi-disant pots de vin liés au contrat, ainsi que des papiers  compromettant  (probablement des faux documents des services secrets français fournis par Charles). Sans papiers d’identité, la police des frontières française l’arrête et le fouille, scandale. A peine réveillé d’une nuit agitée, hagard,  Battista ne peut s’expliquer. On l’emmène à la préfecture de Strasbourg pour l’interroger. Charles ne vient pas à son secours dans un premier temps.

      Il a échafaudé ce plan machiavélique sans même en avoir avisé R Poincaré, le Président lui a laissé carte blanche. Charles a des méthodes  « résolument modernes », il  n’a pas  » froid aux yeux ». Il met en quelque sorte le Président devant le fait accompli.

      Charles a trompé Battista pour que l’Italie n’ait plus la légitimité morale de voir un jour le train passer sur son territoire : femme légère, pot de vin…Le passage du train en Italie n’est qu’une grosse plaisanterie, comme les italiens savent les imaginer. Grosse rigolade en Europe, notamment en Allemagne où le chancelier Théobald Von Bethmann Hollweg manque de s’étrangler de rire. Mais un rire qui vire sur le jaune. Berlin attend des explications de la France sur cette histoire de détournement du tracé actuel de l’Orient Express.

      10 juillet : Charles est envoyé à Rome pour essayer de fournir au gouvernement italien une explication sur le comment et le pourquoi de l’emprisonnement de Battista à Strasbourg. Personne ne se doute du double jeu de Charles.

      Charles propose un marché aux italiens : l’Italie renonce à faire passer le train sur son territoire, et reste dans la Triplice, De son côté, Charles calme les allemands, et fait libérer Battista qui passe pour espion.

      12 juillet : Mais c’est un jeu dangereux, et R Poincaré décide de  protéger Charles : il lui demande sitôt  rentré de  Rome  d’aller directement à l’Elysée.

      13 juillet : Charles arrive à Paris. Il se rend à l’Elysée. R Poincaré l’y garde  pour la nuit.

      Charles explique tout à R Poincaré. Celui-ci décide de le laisser jouer cette dernière carte pour la paix : rassurer l’Allemagne au bord de la déclaration de guerre : le train continuera bien par passer par l’empire austro-hongrois, l’Italie  renonce à quitter la Triplice, Battista Pera n’est pas un espion, il y a erreur sur l’homme, il faut le libérer.

      R Poincaré lui demande de se rendre à Berlin dès le lendemain, d’aller directement à la gare, il ne faut prendre de risque, Charles a beaucoup d’ennemis.

      Charles prépare sa valise diplomatique, il amène un document signé de Poincaré qui atteste que la France ne souhaite pas voir modifié le tracé de l’Orient –Express.

      Si R Poincaré accepte de faire confiance à Charles, c’est qu’il n’a pas trop le choix. RM bénéficie d’un pouvoir « quasi divin » qui dépasse ceux des gouvernements. Même le roi d’Angleterre Georges V était à ses pieds le 24 juin, quand elle a chanté à Londres avant de poursuivre sa tournée au Havre.

      Le 1 er article sur Battista Pera sort dans les kiosques Il est signé Lucien Leglise.  En lisant notamment le papier sur le fantôme du Père-Lachaise, daté du 14 mai,  Charles a pu apprécier sa qualité d’écriture, la façon qu’il a de manier l’ironie grinçante qui séduit les lecteurs. Charles a trouvé en lui le journaliste idéal pour tourner en ridicule sur 6 épisodes les aventures de monsieur Battista Pera.

      Cesare, vous lisez cet article posé sur le bureau d’Ernest. Vous comprendrez plus tard que Charles est à l’origine de la déchéance de votre frère…

      • Cette réponse a été modifiée le il y a 6 années et 5 mois par DUPONDT.
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    • #2645
      DUPONDT
      Participant

      Exposé 5

      Nous voici arrivés à la fameuse journée du 14 07 que je déroulerai chronologiquement comme promis.

      14 juillet 1914 :

      (Les heures connues sont en caractère gras, les autres sont des approximations)

      7h00 : par téléphone, depuis le bureau de l’Elysée, Charles Buisson demande à Ernest de commander un bouquet de roses chez le même fleuriste que d’habitude, à livrer au Castafiore, avant son arrivée. Ernest prend note. Décryptage du message figurant sur l’article – PJ-Lumen : BUisson me demande de commander pour Rose Marie un assortiment de 36 roses de couleur rose/jaune. Charles arrivera à 8h55 précise. Ernest souligne bien la couleur. Entre 9 h 10 et 9h15 on fera le coup du faux appel  téléphonique de R Poincaré. J’amènerai une bouteille de cognac Baron Otard. Il note certains éléments pour s’en rappeler, sa mémoire lui joue des tours.

      7h05 : Charles envoie un coursier de l’Elysée chez le fleuriste pour payer le bouquet.

      7h10 : arrivée des membres de la troupe. Dans quel état d’esprit sont-ils ce matin ?

      Cesare est satisfait de la tournure très favorable que prend ce dernier concert. Tout va bien de ce côté.  Par contre, côté cœur, il voit d’un très mauvais œil le manège de son rival Charles qui cherche depuis plusieurs mois à séduire Rose Marie. De plus la lecture de l’article de Lucien tournant en ridicule son frère Battista la profondément vexé .

      Heinrich est soucieux car il n’a toujours pas reçu la copie du Mille-Feux commandée il y a deux mois jour pour jour.

      Aurélien a une haine farouche contre Charles, à qui il attribue par erreur la lettre d’amour anonyme. Dans son délire, il croit même que Charles est prêt à lui enlever Louise à tout moment.

      RM est perturbée car elle sait par Charles que l’éventualité d’une guerre devient chaque jour plus crédible. Elle se sent aussi devenir amoureuse de Charles, un sentiment qui l’avait quitté depuis la mort d’Albert.

      Louise se sent un peu soulagée. Le projet du vol risque de ne pas se faire, Heinrich lui a dit que le double n’était toujours pas arrivé. Elle devenait au fil des jours un peu plus réticente à ce projet, sa conscience commençait à la travailler.

      Ernest est absent de l’atelier : Heinrich en profite pour aller voler le trousseau de clefs et la clef de la loge. Depuis le temps qu’il est au Castafiore, il a eu tout le loisir de voir où Ernest rangeait ses clefs.

      Double objectif pour Heinrich : en conservant le trousseau, être certain que la loge sera ouverte lorsque Louise s’y rendra pour le vol du bijou. Il donnera la petite clef libellule à Louise pour qu’elle s’y enferme le temps de la substitution.

      7h12 : Ernest passe commande au fleuriste par téléphone. Cesare qui passait par là l’entend.

      7h13 : Ernest s’aperçoit du vol des clefs en voulant aller fermer la loge.

      7h15 : Idée lumineuse de Cesare. Il appelle le fleuriste depuis le salon désert, et change la commande en roses rouges. RM déteste cette couleur, il le sait, comme ceux et celles de son entourage qui la fréquentent  depuis assez longtemps. Ce sera l’occasion de lui prouver que, contrairement à lui, Charles ne la connaît que superficiellement.

      7h20 : le fleuriste prépare la commande, le coursier arrive de l’Elysée pour lui payer.

      7h40 : livraison du bouquet au Castafiore. Les 36 roses sont rouges. Ernest s’aperçoit de l’erreur, demande au commis de livrer un autre bouquet, mais faute de temps, la journée est très chargée, et comme la commande a déjà été payée par le concierge de l’Elysée, le commis se voit dans l’obligation de refuser. Et puis, la bonne affaire, qu’importe la couleur des fleurs pourvu qu’elles soient belles et fraîches!

      Ernest le pose dans son atelier, sur sa table.

      7h50 : arrivée du facteur avec pas mal de lettres, dont des lettres et un petit colis à l’attention d’Heinrich. Ernest les pose sur la table de son atelier.

      7h58 : dès que RM quitte la loge pour aller vers la scène, Heinrich va chercher son châle  et l’amène au salon. Il le pose sur le divan.

      8h00 : comme tous les jours, début des répétitions avec Rose Marie, Aurélien et Louise. Cesare et Heinrich commencent une partie de cartes dans le salon, ils le font souvent car Heinrich a réussit à « corrompre » Cesare et lui donner le vice du jeu. C’est une façon de tenir Cesare, qui commence à avoir quelques dettes.

      Cesare et Henrich jouent aux cartes, Cesare a l’esprit ailleurs. Il réfléchit à la lettre qu’il va écrire à RM. C’est le dernier concert, RM doit prendre sa décision : ou rester avec lui si elle accepte de l’épouser, ou il l’a quittera pour la vie politique. C’est un ultimatum.

      De plus Cesare sait qu’à 9h00 le directeur du Castafiore annoncera à la radio du salon la fermeture du théâtre, pour cause de faillite, il faut qu’Henrich soit présent pour monter médiatiquement cet évènement au profit de la tournée. C’est bon pour les affaires, puisque toute la clique de journalistes va courir au Castafiore pour couvrir l’évènement. Publicité assurée. Cesare voit la scène : salle comble, il va falloir pousser les chaises et les tables, tout le monde debout, hystérie collective…

      8h18 : Ernest retourne dans son atelier. Il s’occupe comme il peut avec sa copine, la bouteille d’alcool.

      8h40 Charles quitte l’Elysée dans la voiture Torpédo du Président. Il a décidé de passer par le Castafiore pour dire au revoir à RM avant son voyage à Berlin et  lui fixer un rendez-vous.  Son arrivée matinale n’était pas prévue au départ, cela surprendra tout le monde, sauf Ernest bien sûr. Avant de partir, le sommelier de l’Elysée lui a apporté une bonne bouteille de cognac, preuve qu’il a encore la confiance de R Poincaré.

      8h50 : Ernest va mettre le bouquet dans la loge, sur la table. Retour dans l’atelier pour aller chercher son appareil photo.

      8h53 : Ernest, l’appareil photo au cou, et le flash en main, va prendre une photo de la loge avec le beau bouquet au centre. Lucien sera content. A ce sujet, les annotations écrites de sa main sur l’article « Peur sur la ville » ont pour sens : LUcien m’a demandé de faire 15 Photos environ sur Rose Marie et sa troupe lors de cette journée mémorable du 14 07. J’aurai droit à une bouteille de Cognac Baron Otard, terme qu’il souligne de contentement.  Il prévoit probablement un tirage le lendemain.

      Ernest, s’il te plait ressert nos invités, pour moi simplement de l’eau fraîche car je veux garder les idées claires pour la suite. Cela me demande une telle concentration, et je ne veux rien laisser de côté. A partir de maintenant, nous voici enlevés dans un tourbillon d’allées et venues, de portes qui s’ouvrent et se ferment, c’est un scénario digne d’une pièce de vaudeville, mais hélas avec une chute beaucoup plus dramatique! « Il se passe toujours quelque chose au Castafiore » dira à ce sujet Heinrich…

      • Cette réponse a été modifiée le il y a 6 années et 5 mois par DUPONDT.
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    • #2648
      DUPONDT
      Participant

      Exposé 6

      Chers amis, j’ai donc décidé de vous restituer d’un bloc le déroulé précis des événements jusqu’à l’arrivée de la police sur les lieux. C’est un ensemble cohérent d’informations qui s’enchaînent de façon magistrale comme chaque pièce d’un puzzle. Ouvrez grandes vos oreilles et stimulez votre cortex !

      8h53 : La voiture arrive à proximité du Castafiore. Pour raison de discrétion, Charles demande au chauffeur de se garer une rue plus loin, les journalistes sont tellement à l’affût d’évènements sensationnels et de possibles scandales. D’ailleurs la voiture du Président est une Schneider Torpédo qui ne passe pas inaperçue.

      Remarque : c’est bien dommage, car en se garant le long de la rue qui donne sur les coulisses, nous aurions un témoin visuel de choix pour valider les entrées-sorties de personnes venant de l’extérieur, dont bien sûr le fleuriste et le postier.

      Avant de partir à pied sur le trottoir rejoindre RM,  Charles dit au chauffeur de l’attendre tranquillement, et de bien veiller à la valise diplomatique. Charles devrait être de retour d’ici 1 heure environ. Charles a pris beaucoup  d’avance sur les horaires du train, il a le temps, le train est prévu en fin de matinée, disons vers 11h00.

      Point essentiel pour la suite de mon propos : il l’a laisse bien entendu dans la voiture pour ne pas s’en encombrer au théâtre. Et puis, ce serait dommage de l’oublier ou de se la faire voler, on ne sait jamais! Et, avec la bouteille à la main et  le linge autour, ses deux mains sont prises et ce serait compliqué de  porter une valise en plus.

      8h55 : Ernest, l’appareil photo autour du cou, ouvre la porte à Charles qui amène comme promis la bouteille de cognac, et rien d’autre.

      Ernest accompagne discrètement Charles au bar. Charles écoute les dernières notes de piano, juste avant la pause de 9h. Ernest l’a mis au courant de ce rituel.

      8h56 Ernest écoute en catimini RM. Elle n’aime pas du tout que des personnes viennent assister aux répétitions. Cela devrait valoir aussi pour Charles. Derrière son piano, Aurélien est fou furieux de le voir. Cette fois ci, il dépasse vraiment les bornes!

      8h57 : Ernest pose délicatement sa bouteille par terre, prend une photo de la scène, s’assure de loin qu’il y a assez de rafraîchissements sur la table de la scène et va mettre son cognac dans l’atelier.

      J’ai eu une difficulté avec le cadrage de la photo de la scène, Ernest doit la prendre du fond de la scène, on voit le rideau à droite. Mais alors pourquoi dit il qu’il est invisible, et pourquoi personne n’évoque sa présence ?  Il ne devait pas passer inaperçu. Je pense simplement qu’ils sont tous absorbés par le travail de répétition, ils se sont habitués à la présence d’Ernest et ne le voient plus, il est devenu transparent à leurs yeux!

      8h59 : Ernest va au salon déposer le courrier, son appareil photo autour du cou, il ne le quitte plus !

      9h00 : Ernest fait une photo du salon. Cesare et Heinrich jouent toujours aux cartes. Le Directeur de l’établissement commence son discours à la radio. Il annonce la fermeture du Castafiore pour cause de déficit financier.

      Ernest annonce à Heinrich qu’il y a dans le courrier des lettres parfumées pour lui, comme d’habitude. Anciennes et actuelles maîtresses. Heinrich quitte la table pour en prendre connaissance. Le colis tant attendu à son nom est là. La copie du bijou vient de lui être livrée de Lyon, par son amie orfèvre, Melle Orfin. Il se décontracte, retrouve le sourire. Il va pouvoir mettre son plan à exécution. Il reprend la partie de cartes. Cesare n’a rien remarqué d’anormal. Il est trop absorbé par la lettre qu’il doit écrire tout à l’heure, dans la loge.

      Charles rejoint Rose-Marie sur la scène. Il monte prestement sur la scène en s’aidant de ses 2 mains, il a même applaudi avant, preuve qu’il ne tient pas de valise diplomatique. RM l’avait invité à venir au concert du soir. Elle lui a écrit un petit mot que j’ai trouvé dans le rabat du dossier de Colin. Lorsqu’elle le voit, RM ressent un »profond soulagement ». Elle a eu peur qu’avec tous ses refus répétés ces derniers mois, elle ait finit par le lasser, alors qu’elle commence à ressentir un sentiment troublant à son égard, prémices d’un véritable nouvel amour ?

      Elle est surprise de le voir ce matin. Charles en profite pour s’excuser de son absence pour la soirée.

      Quel est l’état d’esprit de Charles en ce matin du 14 juillet ?

      D’un côté, il sait que le voyage prévu à Berlin est probablement celui de la dernière chance pour la paix. Charles sait qu’en allant en Allemagne il se met en danger. De plus  Berlin attend le moindre faux pas pour déclarer la guerre.

      Enfin, Charles sait qu’il a beaucoup d’ennemis parmi ceux qui sont jaloux de son ascension fulgurante, on ne fait une omelette sans casser des œufs, et probablement quelques maris trompés.

      Mais Charles aime vivre dangereusement, c’est aussi ce trait de caractère qui plaît à RM. Charles se sait menacé, mais cela fait partie de sa vie.

      Il  fait promettre à RM de poursuivre son œuvre pour la paix, au cas où il serait amené à disparaître. Elle lui promet et va réfléchir à sa proposition de la revoir, dans un endroit calme à la campagne, quand sa mission sera terminée.

      Charles lui glisse également à l’oreille qu’il y aura une surprise dans la loge. Le message est énigmatique, mais RM aime les mystères. Charles a prévu de la quitter juste avant 10 heures, c’est-à-dire avant la fin de la répétition et le retour de RM dans la loge. Après avoir déposé sa carte dans la loge, il aurait probablement continué à l’écouter sur la scène, puisqu’il ne pourra être présent au concert du soir.

      9h02 : Ernest repasse par la loge pour s’assurer que tout est bien en place. Il faut que la loge soit parfaite quand RM aura finie sa répétition, soit à 10h.

      9h03 : Cesare met brusquement fin à la partie de cartes avec Heinrich. Il n’a pas de temps à perdre. Il a juste attendu le début du discours à la radio, il connaît la suite. Il s’assure qu’Heinrich a bien ouvert toutes grandes ses oreilles, et qu’il va faire un article du tonnerre.  Cesare se dirige vers la loge.

      9h04 : Cesare retrouve Ernest dans la loge qui vient s’assurer que tout est en place.

      Petite information en passant : Dans son procès verbal, Cesare se plaint (du bout des lèvres) du fait qu’Ernest prenne des photos.  Le droit à l’image n’existe pas encore. Cesare peut juste lui interdire d’en tirer profit et lui demander de ne pas les divulguer. Il y veillera au départ, mais laissera faire Ernest par la suite devant l’intérêt publicitaire que présentera la diffusion du livre de Lucien. Et vive le début de la presse People synonyme de publicité gratuite pour RM ! Il ne faut pas oublier que Cesare a déjà demandé à Heinrich de raconter leur quotidien donc des détails de l’intimité de Rose-Marie.

      Cesare demande à Ernest de quitter prestement la pièce et d’aller chercher les clefs perdues depuis le matin. Il est énervé de le voir là, il doit rédiger sa lettre d’amour dans le calme et incognito. Il voit le bouquet rouge qu’il sait trouver là, il connaît même le nombre de roses sans avoir à les compter.

      Il s’installe et commence à  rédiger sa lettre avec le papier laissé sur la table et le stylo, c’est habituellement  leur place. Pas besoin de s’enfermer : il vient de renvoyer Ernest chercher les clefs, le reste de la troupe répète gentiment comme tous les matins, encore plus ce jour puisque le concert a lieu le soir même, Heinrich est scotché à la radio dans le salon.

      Ernest part à la recherche des clefs dans les coulisses avec son appareil photo autour du cou.

      9h05 : Rose-Marie envoie Louise chercher son châle pour pouvoir discuter librement avec Charles. Le châle est un simple prétexte. Il devrait naturellement être dans la loge, là où se prépare RM.

      Au moment de partir, Louise fait un clin d’œil à RM pour l’encourager à donner une chance à Charles de la séduire. Aurélien l’interprète mal, pense qu’il est adressé à Charles, une tentative de séduction, un rendez-vous galant, un nouvel épisode de l’enlèvement des Sabines?

      Erreur d’interprétation : Charles n’a aucune raison de vouloir séduire Louise car il ne veut pas compromettre sa relation naissante et prometteuse avec RM.

      Revenons à ce qui se passe sur la scène : Charles fait feu de tout bois, annonce à RM sous le couvert de la confidentialité qu’il a un plan de dernière chance pour éviter la guerre. RM déjà à demi conquise par sa cour assidue, finit par succomber à son charme et sa prestance.

      9h06 : Louise qui aurait dû se rendre directement à la loge chercher le châle va au salon rencontrer Heinrich. Elle veut savoir si le colis de Lyon est arrivé avec le dernier courrier. Le châle est posé sur le divan.  Heinrich a prévu de l’utiliser pour cacher le bijou sur le cou de Louise, à la fois à l’aller avec le faux, et au retour de la loge avec le vrai. D’ailleurs la robe longue de Louise n’a pas de poche. Heinrich est au téléphone avec le rédacteur en chef de son journal « le Comoedia » pour annoncer la nouvelle de la fermeture du Castafiore. Louise entend et attend la fin de la conversation. Heinrich laisse ensuite le combiné décroché pour ne pas être dérangé.

      Henrich lui annonce que le colis est arrivé avec le faux bijou, et quelques jolies pierres pour elle. C’est l’occasion de réaliser leur projet, c’est le dernier concert, il faut mettre à exécution le plan prévu. Louise semble hésiter. De plus il n’a pas parlé d’elle au rédacteur en chef pour son article, elle est très déçue. Heinrich lui a promis une carrière de rêve, il n’en prend pas le chemin. Elle fait sa mauvaise tête. Heinrich fronce les sourcils et hausse la voix.

      9H07 : Ernest passant par là prend une photo du salon. Bizarrement, il parle de Louise mais pas d’Heinrich dans sa déposition. Réponse : Ernest  avait déjà vu auparavant Heinrich jouer aux cartes avec Cesare, et trouvait normal de le retrouver dans ce salon. Par contre, il a bien observé la présence de Louise qui elle n’était pas forcément  prévue au programme à cet endroit à ce moment.

      Il retourne dans l’atelier chercher les clefs, ne trouve rien et boit un coup. Il restera dans l’atelier jusqu’à 9h12.

      9h08 : Heinrich poursuit son argumentaire avec Louise : cela lui procurera suffisamment d’argent pour acheter les remèdes dont son père a besoin et même l’amener faire des cures dans une ville thermale. Pour elle, robes, bijoux, fleurs à volonté, succès assuré, une star, une comédienne hors pair. Elle a le nom à particule que lui a donné son mari, de Chanteloup, il lui manquait la liberté de vivre comme elle l’entend.  Aurélien l’enferme dans une prison. Il faut s’en échapper. Heinrich finit par la convaincre. Elle accepte son plan.

      Le plan d’Heinrich est simple : Louise échange les bijoux dans la loge, revient dans le salon avec le vrai autour du cou, le donne à Heinrich qui le garde et le cache. Pendant le concert, RM portera le faux autour du cou, mais c’est réellement un beau travail cette imitation, elle ne devrait pas s’apercevoir de la supercherie. On verra bien ! Henrich est un joueur, il aime le risque. Il prévoit d’écrire le 15/ 7 son dernier article de la tournée « Rose- Marie chante » avec cet extraordinaire concert du 14. Il partira pour Lyon ensuite, seul, sans Louise, vendra le collier, et retournera probablement en Allemagne se faire oublier une fois de plus. Il en a l’habitude. Ne pas encombrer sa route avec un nouveau spécimen de femme comme Hortense, on sait où cela l’a mené, la malheureuse!

      9h12 : Ernest part de l’atelier vers la scène chercher Charles selon ses indications (annotation sur l’article de journal Les Appareils PJ- Lumen : aller chercher Charles entre 9h10 9h15, prétexter le message urgent de Raymond Poincaré et en récompense, une bouteille de cognac Baron Otard.).

      9h13 : Cesare écrit dans la loge les dernières lignes de sa lettre.

      9h14 : Dans le salon, Heinrich donne la copie du bijou à Louise, et la clef libellule de la loge. Elle met le faux Mille-Feux au cou, le cache sous le châle en cas de rencontre fortuite dans les coulisses et se dirige vers la loge, avec la clef dans sa main. Heinrich sort en même temps que Louise, remet rapidement le trousseau de clef dans l’étagère de l’atelier, à un endroit bien visible d’Ernest et retourne en courant au salon où il s’affale dans le fauteuil, un sourire aux lèvres, tout marche comme prévu. Il se dépêche de remettre les clefs, car il ne sait pas combien de temps va durer l’absence d’Ernest. Le plan d’Heinrich était de faire croire à tous qu’Ernest avait trop bu et donc incapable de voir ce trousseau qui lui crevait les yeux et qui était là depuis le matin. Donc, ce trousseau n’avait pas disparu et personne ne l’avait volé. Henrich a dû attendre le dernier moment pour le remettre, pour être certain que la porte de la loge serait ouverte pour Louise.

      Petite correction : à 7h10 Heinrich vole le trousseau de clefs. Il veut être certain que la porte de la loge sera bien ouverte pour qu’il puisse prendre le châle de RM à 7H58, et non pas pour que Louise trouve la porte de la loge ouverte, elle possède la clef libellule pour l’ouvrir!

      Sur le chemin du retour de la scène vers l’atelier, Ernest annonce  à Charles la vérité sur l’erreur de couleur pour le bouquet.

      Charles, énervé, s’exclame dans les coulisses : « et ça se prétend fleuriste! » Pourquoi  parle t-il plus fort que nécessaire ? Pour que les autres personnes entendent bien que c’est le fleuriste qui a fait l’erreur et non lui.

      Mais Charles a une grande faculté de réaction, d’adaptation, et il tire rapidement profit de cette erreur. C’est un grand séducteur, il connaît le langage des roses, et RM aussi :

      « Les roses de couleur jaune sont en matière d’amour, plutôt  un signe de faute à pardonner ou à se faire pardonner ». C’est vrai qu’il a  beaucoup d’aventures à se faire pardonner.

      « Les roses de couleur rose, qui peuvent aussi être offertes à la femme que l’on aime évoque plus la beauté de la femme, la tendresse et le romantisme. Mais elles n’ont pas la force de révélation de l’amour des roses rouges ».

      « Les roses rouges signifient, plus que toutes les autres fleurs, l’amour et la passion. Elles incarnent aussi le respect et le courage. Lorsqu’un homme envoie des roses rouges à une femme, il  veut lui signifier, clairement, qu’il éprouve de très vifs sentiments amoureux pour elle. »

      Le sens de la quantité : 36 roses rouges peuvent permettre d’avouer son amour.

      Charles exulte intérieurement : 36 roses rouges c’est encore mieux pour avouer ma passion que les 18 roses jaunes et 18 roses roses que j’avais prévu initialement.

      Charles pense retrouver RM sur la scène avant son départ pour Berlin, il lui expliquera de vive voix l’erreur du fleuriste. Il avait commandé des jaunes et des roses, mais que c’est finalement mieux ainsi eu égard à ses sentiments pour elle. Charles ne savait qu’elle n’aimait pas la couleur rouge.

      Heinrich seul au salon, Louise dans les coulisses et Cesare dans la loge entendent des voix dans les coulisses.

      Cesare écrit la dernière phrase de sa lettre  « je viens te trouver… » .

      Suite de la phrase qu’aurait pu rédiger Cesare : « dès que tu me feras signe » ou quelque chose d’approchant.

      Cesare ne termine pas la lettre parce qu’il entend la voix de Charles dans les coulisses. Charles parle fort. Cesare laisse la lettre sur la table. Il sort de la loge. Il s’approche de la porte de l’atelier, épie nos deux compères, curieux, à la recherche d’informations utiles, on ne sait jamais. Il entend Charles qui savoure sa victoire : il est en passe de remporter le trophée, une de plus à son palmarès. Le bouquet rouge, c’est encore mieux pour sa déclaration d’amour passion, l’erreur de ce fleuriste est vraiment providentielle. Ernest applaudit à deux mains, le Baron Otard aidant.

      9h15 : Photo d’Ernest dans l’atelier avec Charles et sa bouteille. Ils sont en train de boire le coup pour fêter l’anniversaire d’Ernest et la réussite probable de Charles dans sa tentative de séduction. On voit sur l’étagère le trousseau de clefs. Charles pose le linge sur la bouteille pour ne pas se salir, il est tellement beau avec ses habits, il a dû se mettre sur son 31 pour séduire RM, un vrai soleil.

      On aperçoit dans les coulisses Cesare qui écoute discrètement la conversation entre Charles et Ernest. Il mentira à Colin en disant  qu’il n’avait pas vu Charles avant son décès dans la loge.

      9h 15 : En quittant le salon et avant d’entrer dans la loge, Louise aperçoit Cesare derrière la porte de l’atelier et pense qu’il espionne. Louise rentre dans la loge et s’enferme à clef. César ne l’a pas vu.

      9h 16 : Louise dans la loge déplace le petit cadre rose situé devant le coffre, elle connaît le code car Rose-Marie lui a confié, « elle n’a pas de secret pour elle ». Elle ouvre le coffre. Elle enlève le faux bijou de son cou, l’intervertit avec le vrai dans le coffre, met le vrai autour de son cou, referme le coffre, mais oublie de remettre le petit cadre rose devant, grosse erreur. Elle remet le châle  pour cacher le vrai Mille-Feux qu’elle porte sur elle. Elle déverrouille la porte de la loge, tout s’est bien passé selon le plan prévu.

      Sur la scène, RM s’inquiète du temps que met Louise à ramener le châle. Elle se fait la réflexion à haute voix. Pour Aurélien, RM vient de lui donner sans le vouloir  le signal de départ. Fou de jalousie, il court chercher Louise qu’il est sûr de trouver avec Charles. Son premier réflexe est d’aller dans la loge, là où doit se trouver normalement le châle de RM, donc Louise. Il ment à Colin en disant qu’il va d’abord au salon en prétextant que le téléphone s’y trouve. Mais il y a aussi celui de l’atelier où aurait dû être plus sûrement Charles en discussion avec le Président.

      9h 17 : Aurélien arrive à la loge très énervé. Il veut en découdre avec Charles qu’il pense trouver. Louise le voit arriver, un homme furieux, « complètement paniqué, méconnaissable, on aurait dit un fou… ». Elle utilisera dans sa déposition ces mêmes termes pour décrire l’entrée imaginée de Charles. « Où est-il? Où est t il? dit Aurélien en cherchant Charles.

      Aurélien secoue sa femme, la bouscule. Louise réussit à le calmer tant bien que mal. Elle lui demande d’aller dans le salon, se reposer dans le fauteuil, elle va aller le retrouver tout de suite après, le temps de se refaire une beauté. Elle sait qu’il y a Heinrich et il saura le raisonner.

      Avant de ressortir de la loge, Louise ne peut s’empêcher d’admirer le magnifique bouquet qui pourrait être pour elle, qui devrait être pour elle. Elle porte le châle de RM, elle  s’admire dans le miroir. Elle « s’approprie » l’apparence de RM, elle a toujours voulu lui ressembler.  Tous se rendront compte plus tard de cette métamorphose, avec quelques accessoires vestimentaires Louise dépasse même en beauté RM.

      Elle voit la lettre de Cesare sur la table, reconnaît l’écriture, comprend que c’est une lettre d’amour pour RM, la plie en deux et la glisse au fond d’un des tiroirs de la commode, à l’abri d’éventuels lecteurs indélicats, Charles par exemple, s’il venait à passer par là. S’il tombait dessus, son élan vers RM pourrait être brisé. Et Louise voit plutôt d’un bon œil cette idylle naissante. Cela pourrait pousser Cesare à s’occuper un peu d’elle-même.

      Elle avertira RM plus tard dans la journée de l’existence de cette lettre. Dans l’immédiat ne pas alerter Charles.

      Avec la lettre d’Heinrich pour Louise que RM avait également caché, c’est fou comme les tiroirs de la commode abritent de secrets !

      Ernest retrouve le trousseau sur l’étagère de l’atelier, bien en vue. Il boit un coup aux retrouvailles.

      Derrière la porte de l’atelier, Cesare entend des brides de conversation. Charles annonce qu’il a un bon espoir d’arriver à ses fins avec RM. Elle est à point. Cesare devient fou de rage, tout se retourne contre lui, même son idée des roses rouges qui aurait dû discréditer Charles. Charles présent pourra expliquer l’erreur du fleuriste à RM.

      Il sent qu’il est en train de perdre la partie. Charles est un personnage détestable, un collectionneur de trophées féminins, il ne mérite pas Rose-Marie. Elle est très influençable et  peut très bien décider de partir avec Charles, puisqu’elle a été capable de quitter son mari Albert pour partir avec lui.

      Cesare a une autre raison de le détester : il entend de la bouche même de Charles qu’il est l’informateur de Lucien pour l’article sur Battista Pera, c’est lui qui est à l’origine de la descente aux enfers de son frère, Battista. Il faudra d’une façon ou d’une autre le venger.

      9h 18 : Aurélien est complètement bouleversé, blanc comme un linge, il ne se maîtrisait plus et a même pensé qu’il aurait pu aller jusqu’à tuer Louise. Cesare trop attentif à espionner ce qui se passe dans l’atelier, ne l’a pas vu passer derrière le bric à brac opaque qui masque les portes de la loge et du salon.

      Quand Aurélien voit Heinrich au salon, il veut faire demi-tour et repartir probablement vers la loge. Heinrich le retient pour éviter un rencontre possible avec Louise, Louise qui n’est toujours pas revenu au salon avec le bijou!!!

      Aurélien  veut savoir ce qu’Heinrich pense de cette fameuse lettre anonyme. Heinrich s’en amuse car il en est l’auteur. Heinrich le rassure et sait lui parler. C’est un séducteur intelligent et n’a pas son pareil pour tromper les hommes et les femmes avec de belles paroles. Aurélien se confie à lui, son amour pour Louise et ses soupçons contre Charles. Heinrich démonte la lettre anonyme en semant le doute dans l’esprit d’Aurélien. Ce serait Louise qui aurait même pu écrire cette lettre pour le rendre jaloux exprès. Pour Heinrich, il faut absolument qu’Aurélien n’ait aucun soupçon, maintenant ou dans le futur, sur la relation intime qu’il entretenait avec sa femme Louise.

      Heinrich réussit la prouesse (quel manipulateur!) à convaincre Aurélien que sa femme l’aime, et qu’il doit absolument avoir confiance en elle. Aurélien le croit. Pour Heinrich qui prévoit quitter Louise sitôt le collier dans sa poche, et pour qu’elle ne soit pas trop « collante », il a déjà eu une mauvaise expérience avec Hortense, c’est un moyen de tenter de  rapprocher le couple.

      Cesare regagne la loge pour récupérer la lettre qu’il n’avait pas fini d’écrire. Ils’attend à y être seul, n’ayant pas vu  entrer Louise. Surpris, il tombe nez à nez avec elle. Il est passablement énervé, cherche sa lettre, commence par ouvrir quelques tiroirs et demande à Louise : où est elle, où est elle ? Louise la ressort du tiroir et lui donne. Cesare la déchire et jette les fragments dans la poubelle. Cette lettre n’a plus d’intérêt, car Charles pourra expliquer de vive voix à RM l’erreur du fleuriste dans le choix des couleurs. Son plan (discréditer Charles qui ne connaît que RM superficiellement) tombe à l’eau. Il renverse le bouquet de roses par terre. Le tapis amortit la chute et le bruit. Par miracle le vase n’est pas cassé.

      Dans sa déposition Louise inventera le comportement de Charles en mêlant les deux évènements qu’elle a effectivement vécus : la violence d’Aurélien à son endroit, un fou, et la question de Cesare « où est-elle ? ».

      9h 18 : Charles quitte l’atelier pour aller voir ce fameux bouquet de roses rouges et déposer sa carte.

      Un mot sur cette carte : il a écrit la veille à l’Elysée, il a dessiné une belle rose (de couleur rose!), pour mettre en valeur une des nombreuses cordes à son arc. Lui aussi a une fibre artistique, ce n’est pas pour déplaire à RM.

      Une petite explication sur la signature de L’aigle qui apparaît au bas. Une erreur aurait été de l’assimiler à l’emblème cher à notre ennemi, notre voisin allemand. La solution est tout autre. Le terme aigle fait référence à la fable de Louis de Fontanes, l’aigle et le rossignol (écrite en 1790), dont voici un extrait, pour le plaisir. Un peu de poésie ne fera de mal à personne, n’est ce pas Ernest? :

      « Il (le rossignol) habite avec l’Aigle, et, caché sous ses ailes,
      Brave ses ennemis, les besoins, le malheur,
      Et par des chansons immortelles,
      Récompense, à son tour, son puissant protecteur. »

      Charles propose à RM de la protéger. Entre RM et Charles, il y a déjà une connivence et une complicité que leur entourage ne perçoit pas encore à sa juste valeur.

      Je dois avouer que j’ai cherché un code secret dans les termes de cette lettre, un message crypté, connu seulement de RM et Charles, message qui aurait pu nous conduire sur une piste politique ou espionnage. Je n’ai rien trouvé de concluant à ce sujet.

      Le message est à prendre au premier degré et est très clair. Charles avoue sa passion et son amour à RM. Nous savons qu’il s’agit d’un stratagème, pour Charles se sera une conquête de plus à son actif. Jusqu’à présent RM a toujours repoussé ses avances, comme elle l’a fait avec tous ses autres soupirants. Charles a été patient, et a joué avec ses refus répétés (« vos épines me sont si douces »).

      En aparté, j’ai beaucoup apprécié de travailler dans cet univers très « volatile » : l’aigle,  le rossignol, RM Loiseau, le bijou, le Mille-Feux en forme d’oiseau aux ailes déployées, les cages dorées dans les étagères, autant d’éléments qui font référence à la galaxie Rose –Marie. La diva dont la voix mène aux cieux et au divin.

      Fermons la parenthèse, et suite du déroulement des faits : Charles entre dans la loge, voit son bouquet au sol, comprends que c’est Cesare le responsable. Bousculade, Cesare plus sportif prend vite le dessus, pousse Charles. Sa tête heurte le bord de la table, sans la faire tomber. Un petit coup mais très mal placé, les vertèbres de la nuque sont touchées. Charles n’a même pas eu le temps de se défendre, et n’a probablement pas compris ce qui lui arrivait. Il tombe sans faire de bruit sur le tapis, héros superbe déchu.

      Il ne bouge plus, Louise a compris qu’il est mort.

      9h 19 : Cesare qui a plein de ressources trouve un plan diabolique pouvant le disculper : il  fait promettre à Louise de ne pas l’accuser du décès de Charles. Il va jusqu’à  demander à Louise de s’accuser à sa place. Elle ne risque rien, faire passer ce décès sur le compte de la folie passagère de Charles est une bonne idée. Elle n’a fait que se défendre contre un homme agressif envers elle. Elle aura le soutient de son mari, de Cesare, de RM.

      De son côté, elle obtient de Cesare la promesse de l’aider à devenir elle aussi une star, au même titre que Rose Marie. Louise est tellement ambitieuse. C’est donnant/donnant. Elle a aussi un doute sur la sincérité d’Heinrich, compte tenu de sa discussion précédente dans le salon. Pour une ascension qu’elle prévoit fulgurante, Cesare saura mieux s’y prendre du fait de son expérience réussie avec RM. Et pourquoi pas le théâtre, devenir une grande comédienne, elle pense avoir déjà des dons.

      Cesare accepte dans l’instant, il sait qu’il trouvera un autre plan pour se défaire de cette promesse plus tard.

      Cesare et Louise préparent le décorum dans le plus grand silence. Il faut être deux pour positionner la table. Ouverture des tiroirs,  fleurs éparpillées, flacons renversés. Il faut faire croire à un carnage causé par un Charles devenu complètement fou à la recherche d’une hypothétique valise. C’est Cesare qui suggèrera à Louise l’idée de cette valise pour mettre Colin sur une fausse piste. Ce point sera détaillé ultérieurement.

      Cette mise en scène dans la précipitation a quelques loupés. Louise aurait dû faire tomber le cadre rose, Cesare aurait dû récupérer sa lettre déchirée de la poubelle, l’orientation de la table ne correspond pas au sens de la chute de Charles, le coin du tapis maladroitement relevé.

      Pendant ce temps, Ernest retrouve le trousseau de clef sur l’étagère de son atelier, et fête ça tout seul, avec une bonne rasade comme il se doit.

      9h 21 : Cesare quitte la loge pour aller rejoindre RM sur la scène. Elle est surprise quand elle le voit revenir à la place de Louise qui aurait dû être de retour. Cesare commence sa tirade d’amour qui fait dire à RM : enfin, il se décide à m’avouer ses sentiments après toutes ces années. Il n’aura pas le temps d’aller jusqu’au bout.

      Louise reste seule dans la pièce, elle n’a pas fini sa mise en scène. Maintenant elle sait qu’elle doit se débarrasser du vrai Mille-Feux qu’elle porte sur elle et de la clef libellule de la loge. Si l’on trouvait ces deux indices sur elle, elle serait perdue, accusée de vol certainement, et peut être de meurtre. Charles aurait pu la surprendre au moment du vol et elle l’aurait tué pour s’assurer de son silence.

      Elle sait pouvoir compter sur son mari, tout dévoué à sa cause et d’Heinrich, compromis dans le vol. Elle pense à tort pouvoir compter sur le silence de Cesare, qui est impliqué dans l’accident mais en réalité prêt à la dénoncer si l’opportunité se présentait.

      Mais si RM s’apercevait de l’échange des colliers, le faux n’étant qu’une imitation qui ne trompe pas un œil averti, elle pourrait accuser Louise de vol. Louise est la seule personne susceptible d’ouvrir le coffre. De fil en aiguille Louise pourrait être accusée du meurtre de Charles.

      Louise prépare donc la scène finale : maintenant,  il faut faire comprendre à RM qu’elle pourrait ressortir en plein jour le drame ancien du suicide de son mari, Albert. C’est une sale affaire que RM ne veut plus évoquer, rongée de remords, et qui pourrait nuire grandement à sa carrière. Si d’aventure un journaliste ou policier ressortait l’histoire de ce suicide dont les mobiles étaient apparus confus, pour le moins, sa carrière pourrait en souffrir. Une sorte de chantage donc.

      Louise griffe Charles au visage, sur la joue gauche, pour appuyer la thèse de sa légitime défense. Pour ne pas trop se piquer avec les épines des roses, elle met les gants de RM qui sont posés sur la chaise, comme d’habitude. RM ne les amène pas pour répéter. Elle place les pétales autour du cadavre. Les pétales rouges ont pour rôle de rappeler la flaque de sang autour du corps d’Albert.

      9h 22 : Elle sort de la loge et place le collier au plus près, sur le cou du mannequin de l’étagère, elle a le temps de le dissimuler, pas suffisamment, il apparaît sur la photo.

      Maintenant que son futur se dessine avec Cesare, il vaut mieux laisser tomber Heinrich et leur enfant commun, le vol du Mille-Feux.

      Sur ce mannequin elle souhaite dans un premier temps mettre le bijou à l’abri d’Heinrich. Elle sait qu’elle est la seule à connaître le code du coffre, donc elle sera la première accusée. Elle prévoit donc rendre le Mille-Feux à sa propriétaire, mais il ne faut pas que cette affaire arrive aux oreilles de Colin. Tout doit se traiter dans le cercle « familial ».

      Elle accroche la clef de la loge sous le casque scaphandre, bien visible. On la trouvera facilement. On ne comprendra pas ce qu’elle fait là, mais qu’importe, Louise ne sera pas soupçonnée par la police. Elle réajuste le châle sur elle, vérifie dans le miroir. RM a l’habitude de lui prêter ses affaires, dont ce châle, comme deux sœurs, RM trouvera normal qu’elle le porte, et de toute façon elle sera occupée à regarder le corps de Charles.

      9h23 Louise appelle au secours. Aurélien et Heinrich arrivent puis Cesare,  RM et Ernest.

      Analyse de l’ordre d’arrivée :

      Premier : Aurélien s’est précipité d’un bond du salon vers la loge, il faut qu’il soit le premier dans la loge. Il doit se racheter pour son comportement, c’est une chance de prouver à sa femme qu’il l’aime et peut la défendre contre tout danger.

      Deuxième : Heinrich : logique ils étaient ensembles au salon.

      Troisième : Cesare, un peu plus éloigné de la loge, il se trouve sur la scène. Il s’attendait à cet appel au secours qu’ils avaient mis au point avec Louise.

      Quatrième : RM : si elle hésite et perd un peu de temps, c’est parce qu’elle se remémore l’appel au secours de Louise trois ans plus tôt, et elle ne semble pas donner réalité à cette sorte de « mirage ». Elle dira qu’elle est arrivée la dernière, en se référant aux seules personnes de la troupe sans inclure Ernest, qui finit par compter pour du beurre.

      9h24 Cinquième et dernier : Ernest, le temps de réaction plus lent, désappointé par la chute de sa bouteille de cognac. Il arrive à la porte de la loge juste derrière RM.

      Et nous voilà revenu quelques années en arrière, avec le suicide  de son mari Albert. Les pétales rouges autour du corps de Charles représentent une mare de sang, RM revit avec horreur la scène passée. Elle hurle et s’évanouit. Ernest a eu le temps de cadrer sa photo, son fils Lucien sera content.

      Un petit mot sur Louise sur le canapé : elle a du mal à cacher sa joie. Avec les affaires de RM sur elle, elle est très belle, et intérieurement elle jubile. Le grand Cesare va s’occuper d’elle, il va en faire une comédienne de renom. Tout le monde la trouve transformée et rayonnante.

      Rappel : RM et Louise sont comme deux sœurs, RM prête ses affaires à Louise, les personnes de la troupe l’ont très souvent vues portant certains accessoires de RM, donc personne ne trouve anormal que Louise porte son châle et ses gants.

      J’ai remarqué l’aspect théâtral de cette photo : pour moi, cela est intentionnel de la part de l’auteur, car elle met bien en avant chaque geste et attitude des personnages. C’est le clou de l’énigme, frapper nos esprits et notre intérêt pour l’illustration concernant le lieu de l’accident.

      Cesare a la main droite dans la poche de son pantalon : je pense que c’est une attitude qui se veut amicale, rassurante, voire un peu désinvolte, peu appuyée. Nous en déduisons naturellement que RM n’a pas encore accepté de répondre à la déclaration d’amour de Cesare, faite sur la scène juste avant. Sinon il l’aurait pris dans ses bras. Il ne tient rien dans sa poche.

      9h26 : Heinrich place dans la main de Charles le morceau de lettre déchirée le plus proche. Personne ne la vu accomplir ce geste. Il est le dernier à sortir de la loge, et les autres personnages sont occupés à ce moment (Cesare avec RM, Aurélien avec Louise, et Ernest avec son appareil photo). Oui, mais pourquoi?

      Il faut alors examiner la relation entre Cesare et Heinrich. Cesare utilise les compétences journalistiques d’Heinrich, mais manifestement il ne l’aime pas, et même s’en méfie, il est possible aussi qu’il lui doit de l’argent. Cela fait un mois qu’ils jouent ensemble pendant les répétitions de RM, et les dettes commencent à s’accumuler. Détourner les soupçons vers Heinrich qui a le démon du jeu et « qu’il fera un jour de très grosses bêtises », que c’est un homme dangereux.

      Et que pensez de la proximité de ce voleur potentiel avec les bijoux de RM. Cesare a prévu de le renvoyer dès le 15 juillet, date du dernier article de la tournée.

      Il sait aussi qu’Heinrich est un séducteur redoutable et pourrait être un sérieux concurrent pour lui vis à vis de RM.

      De son côté, Heinrich sait qu’il est le suspect numéro 1 du fait de sa nationalité allemande. On évoque le vol d’une valise diplomatique. De plus il se trouve fragilisé par l’histoire du vol raté du collier qui pourrait le confondre si Louise le trahissait. Donc il doit naturellement diriger le policier vers une autre piste, celle de Cesare parait évidente : à qui profite le crime (ou l’accident) : sinon à Cesare  et RM au vue du buzz médiatique que va provoquer cet évènement. D’ailleurs Cesare ne l’aurait-il pas tué lui-même ? Et puis il est de notoriété publique que Charles et Cesare sont des rivaux. Heinrich souhaite semer le doute dans l’esprit du policier.

      Donc lorsque Heinrich se trouve près du corps de Charles, il a vite aperçu ce bout de lettre, a reconnu l’écriture de Cesare et a pensé (à tort) que c’est Charles qui l’avait déchirée. En mettant ce papier dans la main de Charles, il ajoute une nouvelle couche de soupçon contre Cesare en mettant en évidence l’animosité réciproque entre les 2 hommes. La thèse de l’accident ou du meurtre par Cesare, homme jaloux, froid, amoureux de RM, prêt à tout pour éliminer un compétiteur sérieux et devenu encombrant, est alors possible.

      Cesare emmène RM au salon, suivi d’Aurélien et de Louise.

      9h 27 : Heinrich ferme la porte avec Ernest et les rejoint au salon.

      9h28 : Cesare appelle la police. Personne ne sort du salon.

      Cesare appelle aussi R Poincaré, et lui signale que RM se trouve malgré elle compromise dans une affaire dès plus ennuyeuses, avec à la clef mort d’homme, qui plus est d’un diplomate, dans des circonstances inexpliquées.

      LA FAMEUSE VALISE :

      R Poincaré lui dit être persuadé qu’il s’agit d’une affaire d’espionnage. On vient de tuer Charles pour l’empêcher de partir en Allemagne et pour voler sa valise diplomatique qui contient le contrat de non-changement du tracé de l’Orient –Express, signé par R Poincaré lui-même. Charles mort, c’est l’avis des interventionnistes qui reprend le dessus. L’Italie abandonnant la Triplice et intégrant le parti des Alliés, ce peut-être une force non négligeable en cas de guerre. R Poincaré veut donc retrouver la valise pour supprimer toute trace de sa position passée. Il ne sait pas encore qu’elle est simplement dans la voiture, son chauffeur la ramènera à 10 h 30.

      Pour Cesare, c’est une idée providentielle que lui sert R Poincaré sur un plateau. Cela donnera  à la police un mobile valable comme os à ronger.  Avec cette piste, c’est Heinrich, journaliste allemand, qui se trouve suspecté en premier.

      9H 30 : Lorsqu’elle regagne la troupe dans le salon, Louise raconte sa tirade préparée avec Cesare. Je relis sa déposition : «Où est-elle ?  Sur le coup, je n’ai pas du tout compris qu’il parlait de sa serviette. C’est seulement plus tard quand j’ai expliqué à mes amis ce qui s’était passé, que j’ai entendu Cesare le suggérer ». C’est très clair, Cesare en profite pour compléter la tirade en ajoutant que la réponse à la question de Charles Où est elle, où est t elle ? est certainement cette valise. Le tour est joué. Un peu plus tard, Cesare  demandera de façon confidentielle à Louise d’inventer l’existence de la valise noire lors de sa déposition qu’elle aura avec Colin un peu plus tard dans la matinée.

      Poursuivons sur la non-existence de cette valise cachée: je pense que Colin a remué ciel et terre pour chercher une valise qui était restée finalement dans la voiture! Ses nombreuses notes prises à ce sujet dans son dossier prouve qu’il avait lui aussi un gros doute. Ce qui corrobore cette version, c’est que seule Louise a vu cette valise le 14, témoignage validé sur le bout des lèvres par RM, mais qui finalement ne sait plus trop, se rétracte presque le lendemain. Un faux témoignage dans une affaire de cette importance pourrait se retourner contre elle et mettre un terme à sa carrière.

      RM confirme le 14 7 la version de Louise sans trop y croire. C’est pour appuyer Louise dans sa déposition. D’ailleurs RM est moins catégorique  dès le lendemain 15 7 car Louise lui a avoué entre temps que c’est une invention. RM peut avoir peur d’être inculpée pour faux témoignage.  Donc oublions définitivement cette satanée valise, attention je précise bien valise cachée quelque part au Castafiore!

      9h33 : arrivée de la police et ouverture de la loge

      Les amis, permettez moi de reprendre mon souffle. Non Ernest, arrêtez de servir à boire de ce bon cognac à nos invités, je crains qu’ils ne commencent à perdre de leur assiduité et faculté d’écoute. Les visages de RM et Louise prennent d’ailleurs une couleur qui tire de plus en plus sur celle du fameux bouquet, sauf votre respect Mesdames.

      Il me reste maintenant à terminer la présentation de cette journée du 14. Ce sera le sujet de mon septième exposé.

      Les jours suivants feront l’objet d’une dernière présentation, de loin la plus créative et imaginative du fait de l’absence d’éléments étayés dans le dossier de Colin…

      • Cette réponse a été modifiée le il y a 6 années et 5 mois par DUPONDT.
    • #2650
      DUPONDT
      Participant

      Exposé 7

      Ernest, pouvez-vous nous dire où nous en étions, pour m’assurer que vous suivez ?

      C’est exact, à l’arrivée de la police et l’ouverture de la loge. Je poursuis donc la chronologie des évènements :

      9h34 : photo de la loge par la police, avec le corps de Charles. On doit aussi voir sur cette photo Ernest qui semble complètement ahuri.

      Charles a le papier froissé dans la main gauche, ouverte. Je précise que cette photo n’apparaît pas dans le dossier de Colin. Nous en verrons la raison à la fin de ma restitution, exposé 9.

      9h35 : on enlève le corps de Charles. Les policiers ont mis du ruban adhésif pour en figurer le contour.

      9h36 : début d’inventaire de la loge avec la troupe.

      Au moment de l’inventaire, Cesare remarque avec angoisse que le petit cadre rose a été déplacé, il n’est plus devant le coffre. Il s’inquiète du vol possible du bijou, il exige qu’on ouvre le coffre séance tenante pour en avoir le cœur net. Seule Louise a pu prendre ce bijou, il est persuadé de sa culpabilité si le coffret se trouvait vide. Sam m’a fait remarqué à juste titre que la parole de Louise accusant Cesare du décès de Charles ne tiendrait pas une seconde. Je vous livre les propos de Sam : « Si le collier a disparu, Louise est accusée du meurtre : Charles a dû la surprendre lors du vol, c’est une évidence pour tout le monde. Louise aura beau se défendre et accuser Cesare, personne ne la croira, les indices sont contre elle, elle a un mobile, elle a changé sa version des faits et comment soupçonner Cesare cet homme respectable et respecté que rien n’accuse, à part cette menteuse de Louise. Le vol du bijou serait une aubaine pour Cesare. Pourquoi s’encombrer de Louise si il peut s’en débarrasser, d’autant qu’elle n’a aucun talent. Non content de lui faire porter le chapeau de la mort de Charles, ça lui permet en plus de la séparer définitivement de RM (elle prend beaucoup de place dans le cœur de RM et il voit ça d’un mauvais œil) et lui au contraire de se rapprocher nettement d’elle, de combler le vide affectif laissé par Louise. Il fait une pierre trois coups, magistral! »

      Je vais dans son sens : Cesare aurait tôt fait de montrer que Louise, petite paysanne, est une voleuse sans scrupule, pas digne de la confiance que lui témoigne RM. Elle aurait imaginé un scénario complètement abracadabrantesque, pour s’accuser dans un premier temps, avant de rejeter la faute sur Cesare. C’est vraiment le sous-estimer, lui qui a tellement d’aplomb et l’appui de R Poincaré.

      RM ouvre le coffre, remarque quelque chose d’anormal, mais ne laisse rien paraître. Si l’imitation est parfaite, elle ne trompe pas RM qui connaît ce bijou intimement depuis des années. Une qualité de brillance très légèrement inférieure à l’original, un éclat de rubis un peu terne ? RM préfère ne rien dire pour le moment, Colin la regarde, elle reste naturelle. « Alles in Ordnung » comme dirait Heinrich.

      Cesare n’a rien remarqué d’anormal dans le coffre. Il ne comprend plus, mais il est rassuré dans l’immédiat.

      Sam met ensuite en lumière le fait que RM pourrait essayer de compter les roses tombées par terre après l’inventaire de la police. « L’exercice lui semblait particulièrement difficile ». C’est pertinent. Après avoir lu la petite carte, avec beaucoup d’attention, RM essaye de compter les fleurs au sol. Malheureusement, elle n’y arrive pas à et  « hésite entre la colère et la tristesse ». Elle ne saura jamais ce que voulais lui laisser Charles comme dernier message à l’aide du langage des fleurs.

      9h45 début d’inventaire des coulisses par les policiers

      9h45 -11 h : les interrogatoires s’enchaînent : Aurélien, Louise, Cesare, Ernest, Heinrich.

      10 h : Le chauffeur attend depuis environ une heure le retour de Charles dans la voiture.  Il s’inquiète, Charles va finir par rater son train, il se rend à pied au Castafiore où les policiers en faction lui expliquent le décès de Charles. Il décide alors de retourner immédiatement à l’Elysée, avec la valise diplomatique dans le véhicule, valise qu’il remet à R Poincaré vers 10h30.

      Je réfute aussi l’existence de cet étranger venant de l’extérieur, passant par l’entrée des coulisses, évitant de se faire voir, notamment par Ernest qui va et vient dans ce théâtre, cet étranger se cachant peut-être dans les bureaux à l’étage, bénéficiant de la présence nécessaire d’un complice de l’intérieur, parmi la troupe. J’ai pu penser à Ernest comme complice, mais compte tenu de sa personnalité déjà décrite, je le vois très mal dans ce rôle.

      Il fallait aussi une clef pour entrer depuis l’extérieur, il fallait pouvoir sortir du théâtre incognito. Bref, beaucoup de difficultés à résoudre qui nous entraînaient vers des pistes de plus en plus hasardeuses.

      Je précise que de son côté, RM est restée sur la scène avec témoins pendant la presque totalité de l’intervalle horaire qui nous intéresse et qu’elle pouvait voir la porte qui donne sur l’extérieur, côté salle de spectacle. Elle n’a pas signalé avoir vu une personne s’introduire de ce côté. Je n’ai aucune raison pour mettre en doute sa parole.

      10h20 Autopsie pratiqué par le médecin légiste. Le rapport est écrit sous la dictée, à la main, comme d’habitude, par son assistant qui n’a pas les compétences d’une dactylo. Le médecin confirme la mort par une fracture des vertèbres cervicales suite à une chute sur un objet contondant, un bord de table par exemple. La mort par asphyxie est estimée à 9h20. Les coups de griffes peuvent avoir été faits avant ou après le décès.

      Après avoir analysé ce rapport point par point, je peux affirmer qu’il est conforme et ne doit  pas être mis en doute.

      10 h 30 : Retour du chauffeur à L’Elysée. Le Président, a déjà compris qu’il vient de perdre inopinément son seul ambassadeur favorable à la paix, crédible, et qu’il avait sous la main. R Poincaré qui était déjà très réticent pour cette dernière initiative d’éviter la guerre, change d’avis, il faut oublier cette affaire, dire à son chauffeur personnel de se taire, top secret défense, et ordonne donc le silence total sur l’existence et le contenu de cette valise. Colin recevra probablement l’ordre de classer rapidement cette affaire.

      11h-11H50 :

      Interrogatoire de Louise : mine de rien, elle met Colin de façon détournée sur la piste de Cesare qui espionnait. Que faisait-il derrière cette porte juste avant le décès de Charles ? Il s’agit pour elle de fragiliser une éventuelle accusation de Cesare contre elle.

      Interrogatoire de RM, le dernier. Il est classé confidentiel, preuve que rien ne peut être retenu contre elle, grâce à ses appuis hauts placés.

      11H50 : grosse colère de RM contre Colin. Explication : RM laisse éclater contre ce pauvre Colin toute l’amertume et la tristesse qu’elle gardait en elle stoïquement. La mort de Charles est un vrai gâchis pour la France. Dorénavant, elle se sent seule pour faire entendre la voix de la paix, et même si sa voix porte haut et fort, elle risque d’être insuffisante. Elle gifle même ce pauvre Colin, qui accepte ce geste presque comme un honneur. Heureusement, Cesare est présent et les sépare.

      11h50 – 11h55 : début de l’inventaire de la loge (sans RM). RM explique à Cesare en aparté que le bijou dans le coffre est un faux. Elle n’a pas trouvé pour l’instant d’explications et avec les policiers dans les coulisses, ce n’est pas facile d’organiser des recherches. Il y a urgence : RM et Cesare décident alors d’utiliser toute leur influence auprès de R Poincaré pour faire évacuer le Castafiore et essayer de récupérer l’original, avant le concert.

      11h 58 : Nouvel appel de Cesare au Président. Il faut laisser RM tranquille à partir de maintenant jusqu’à la fin du concert, sinon elle risque de l’annuler. Or il est de priorité absolue que RM le fasse, l’image de la France à la veille d’un conflit de plus en plus probable en dépend.

      A ce sujet R Poincaré déclinera l’invitation au concert du soir. Il ne veut pas risquer de se prendre une gifle devant toute l’assistance. Maintenant que Charles est mort, RM sait que plus rien ne contrariera R Poincaré dans sa volonté de guerre.

      Pour RM, ne pas parler du vol de son bijou à la police, cela pourrait éveiller des soupçons. Pour l’instant la police recherche une valise diplomatique, ne pas la mettre sur la piste de cette disparition.

      R Poincaré a  réceptionné la valise mais il n’en parle pas à Colin pour le laisser travailler sur cette fausse piste. RM et son entourage ne doivent pas être inquiétés.

      R Poincaré demande donc aux policiers de se retirer.

      12h : départ précipité de la police – RM et Cesare n’ont pas prévu une seule chose : mise en place par Colin, c’est une sage précaution, d’un policier devant l’étagère des coulisses. Cela fait partie de la routine du métier. Son  rôle : veiller à ce que rien ne bouge et que personne ne s’en approche jusqu’au retour des fouilles, vers minuit.

      Il reste juste cette étagère qui n’a pas été inventoriée. Donc la police ne s’est pas encore aperçue de la présence de ces 2 indices : le bijou et la clef. La police fait une photo de cette étagère.

      RM et Cesare réfléchissent. Ils ont beau tourner et retourner dans leurs têtes les différentes hypothèses, ils ne s’expliquent toujours pas comment le faux bijou peut se trouver dans le coffre, et plus important, où se trouve le vrai.

      18h : RM décide de convoquer Louise, Aurélien, Cesare, Heinrich, Ernest pour  qu’ils s’expliquent  sur le rôle qu’ils ont joué pendant cette matinée catastrophique.

      Louise explique tout. Le vrai sur le mannequin de l’étagère, inaccessible avec le policier de garde, le faux dans le coffre.

      Tout le monde en prend pour son grade : Aurélien, incurable, paranoïaque, qui devient violent à l’égard de sa femme, Louise qui prévoyait voler le Mille-Feux et la quitter pour un aventurier peu recommandable, quand on pense à tout ce qu’a fait RM pour elle, incroyable !  Heinrich qui lui avait trouvé cette idée, stupéfiant ! Ernest qui aurait dû mieux surveiller son trousseau de clefs au lieu de passer son temps à boire! Cesare, il aurait dû garder son calme, face à Charles. Il aurait dû exiger la fermeture de la loge, aider Ernest à chercher les clefs. RM l’épargne un peu par rapport aux autres parce qu’il a finalement agit par amour pour elle. Elle va aussi en avoir besoin pour poursuivre sa carrière. Et puis elle commence à avoir pour Cesare quelques palpitations de bons augures…

      Dans cette affaire ils se tiennent tous et préfèrent cacher la vérité à Colin :

      Louise pourrait ressortir l’affaire du décès d’Albert, mettant RM en difficulté, et accuser Cesare du décès de Charles. Cesare déclarerait que Louise est une menteuse doublée d’une voleuse et qu’elle a cherché à masquer la réalité à Colin. Heinrich  pourrait accuser Louise de complicité dans le vol, Heinrich pourrait dire à RM que Cesare a contracté le démon du jeu, sans qu’elle soit au courant, et qu’il a des dettes.

      Il ne reste plus qu’à attendre que ce policier quitte l’étagère, même pour quelques minutes, cela suffirait pour récupérer les deux indices.

      Cesare ne peut demander à Colin de retirer son garde sans éveiller les soupçons sur cette étagère. De plus, cela met le bijou à l’abri d’Heinrich qui pourrait décider de s’en emparer.

      16 heures/ 19 heures : Colin au commissariat rédige son « rapport circonstancié des événements », prépare les 4 annexes, et le fait  frapper à la machine par sa secrétaire. Il le relit et note en rouge ses annotations. Il note  vers 18 heures qu’il n’a toujours pas reçu le rapport du légiste. Sachant qu’il l’aurait plus tard dans la soirée, il l’a déjà prévu en annexe 3 dans son dossier.

      18 30 heures : l’assistant du médecin légiste David Poisbleau amène par erreur au Castafiore le rapport d’autopsie écrit manuellement. Pour ne pas perdre de temps, il le remet à la secrétaire du Directeur du Castafiore, excellente dactylo, qui utilise pour le taper la seule machine à écrire en état de fonctionnement dans le théâtre, celle d’Heinrich! D’où la similitude de la frappe entre le rapport d’autopsie et la lettre d’amour d’Heinrich.

      19 heures : remise du rapport du médecin légiste dactylographié à Colin, au commissariat. Il oublie de rayer sa note rouge dans son  rapport circonstancié des événements : « nous attendons toujours le rapport du médecin légiste pour confirmer les circonstances de sa mort ».

      Au Castafiore, les heures passent et ce satané policier de faction qui ne bouge pas d’un poil devant cette étagère!

      Pour RM c’est une catastrophe : d’abord être involontairement impliquée dans cette histoire abracadabrantesque. Ensuite chanter ce soir avec un faux Mille Feuilles, désolé, je voulais dire Mille-Feux, vous n’y pensez pas! Impossible! Il faut annuler le concert. Cesare, à force de persuasion, réussit à la convaincre de ne rien changer au programme. Et puis, cette imitation est parfaite, on n’y verra que du (mille) feu, si vous me pardonnez l’expression. RM accepte de chanter, depuis le temps qu’elle attendait ce moment, chanter pour la paix dans cet endroit mythique.

      20h : et voici l’heure du concert dédié à Charles – c’est un énorme succès comme Cesare l’avait imaginé.

      Pendant ce temps, le policier de garde devant l’étagère mange le sandwich qu’il avait apporté, il a l’habitude de ces gardes de longue durée. Il ne bouge pas d’un pouce.

      22 h : après le concert, RM et Cesare sont restés dans la loge. Ils attendent le départ éventuel du garde, pour satisfaire un besoin naturel par exemple. Que nenni! Il restera jusqu’au bout en faction.

      23h 55 : tout le monde rentre chez soi, sauf Ernest qui assure, tant bien que mal, une présence au théâtre.

      Minuit : retour des policiers pour la fin de l’inventaire des coulisses, c’est à dire la grande étagère, en l’absence des principaux témoins.

      Nous arrivons maintenant à  devoir expliquer comment des policiers n’ont pas relevé la présence du bijou et de la clef pour vous en faire part Colin dès le 15/7 au matin? A aucun moment de votre dossier vous ne mentionnez leur existence.

      A partir du moment où vous confirmez que personne n’a pu s’approcher de cette étagère entre 12 h et minuit, et donc n’a pu prendre les deux indices, la seule explication que je vois est la suivante : avec les policiers, vous ne cherchez qu’une valise diplomatique. Vous ne portez pas attention à ce bijou, probablement de pacotille, qui est posé sur le mannequin. Il y a tellement de bazar! De même cette clef en forme de libellule, très visible sous le casque scaphandre, ne présente à vos yeux que peu d’intérêt, en tout cas elle ne doit pas avoir de lien direct avec une valise qui serait cachée dans ce bric-à-brac. La conclusion de l’inventaire sera de dire qu’il n’y a pas de valise dans cette étagère et qu’il n’y en a jamais eu probablement. Au pire, même si Colin remarque sur la photo les deux indices, quelques jours plus tard, il aura déjà reçu l’ordre de classer l’affaire et conclure à un simple décès accidentel.

      Mes amis, voici terminé la présentation des éléments tels qu’ils se sont déroulés cette journée du 14 juillet. La plupart des pièces fournies dans ce dossier ont été mises en perspective. Toutes s’enchaînent avec une logique implacable.

      Nous pourrions en rester là. Mais je sais pertinemment que vous souhaitez connaître la suite de cette histoire.

      Ce sera le point d’orgue de la démonstration,  le Feux d’artifice, le Bouquet Final, si vous voulez bien me pardonner ces expressions qui pourraient passer à tort pour de la vantardise de ma part. Mais restons lucide, pas de fausse modestie déplacée, rendons à César ce qui est à César, non pas à vous Cesare, DUPONDT triomphe une fois encore.

      Ernest…, bon sang, il s‘est endormi !…

      • Cette réponse a été modifiée le il y a 6 années et 5 mois par DUPONDT.
    • #2652
      DUPONDT
      Participant

      Exposé 8

      Mes amis,

      Voici comment se sont déroulés les événements qui ont fait suite à cette journée mémorable du 14 juillet.

      Au fait, j’ai omis de remercier Colin qui nous a rejoint à la fin de mon propos précédent.

      Journée du 15/7 :

      1 heure du matin : les policiers quittent le Castafiore après avoir terminé l’inventaire de l’étagère.

      7 heures : Ernest ouvre le Castafiore comme tous les matins.

      7 h30 : RM et Cesare arrivent. RM récupère la clef de la loge et le collier sur l’étagère. Elle donne la clef à Ernest et remet le bijou dans le coffre. Elle se débarrassera du faux en le jetant dans la Seine. Cesare veille à ce que la loge soit cette fois-ci bien fermée à double tour !

      8 heures : arrivée de Louise, Aurélien, et Heinrich. Pas de répétition prévue ce jour.

      9 heures : interrogatoires de Colin au sujet de la disparition de la valise diplomatique. RM, Louise, Aurélien, Ernest, Cesare et Heinrich sont interrogés. Colin a du mal à se faire une opinion. Nous ne reviendrons pas sur ce point déjà évoqué.

      10 h : Heinrich écrit sur sa vieille machine son dernier article sur ce concert fabuleux du 14. Il prévoit de quitter la troupe dès le lendemain, le temps d’organiser son départ vers l’Allemagne. De toute façon Cesare lui a donné congé.  Il n’a pas de raison d’être inquiété par la police du fait de l’emprise qu’il a sur RM et Louise. Elles ne le dénonceront pas. Le rapport d’autopsie d’Hortense n’est toujours pas produit à cette date.

      16+17+18/7 : DUPONDT fait travailler ses petites cellules grises. Beaucoup de fausses pistes à emprunter, de fils emmêlés à dérouler dans le bon sens. S’attacher à la dimension psychologique des personnages, et aux petits détails, c’est la clef de tout.

      Le 18/ 7 : enterrement de Charles, triste et solennel.

      Le 19/7, hier donc, j’ai reçu un appel du cabinet spécial du Président R Poincaré. Je dois vous avouer que comme Colin, hier, j’ai moi aussi été sommé en haut lieu de ne pas divulguer le résultat de mon enquête, quoiqu’il arrive. Il ne faut pas jeter de discrédit sur vous, RM, dans ces temps incertains,  vous représentez l’image de la France qu’il ne faut surtout pas ternir. Je m’incline donc.

      Nous voici arrivés au 20/7 et sacrebleu, il est déjà midi …

      • Cette réponse a été modifiée le il y a 6 années et 5 mois par DUPONDT.
      • Cette réponse a été modifiée le il y a 6 années et 5 mois par DUPONDT.
    • #2656
      DUPONDT
      Participant

      Exposé 9 :

      Avant de vous libérer pour le déjeuner, je vous fais part de quatre derniers points explicatifs pour achever ma démonstration. Quelqu’un pourrait-il enfin réveiller Ernest dont les ronflements commencent à distraire ma concentration. Merci.

      A – La piste des deux appareils photos : Ernest, vous  nous avez dit que vous utilisez un appareil offert par votre fils qui « pourrait presque tenir dans la poche de votre salopette ». Vous exagérez un peu, mais par rapport aux modèles plus anciens sur trépied, vous avez raison. D’ailleurs le concurrent direct du PJ-Lumen est celui de la marque Luminor, qui présente sur le catalogue de la manufacture française ce type d’appareil dans la rubrique « appareils de poche ». Donc il n’y a qu’un appareil photo.

      B – J’avais remarqué que les seuls volets qui donnaient sur une rue, ceux du salon, étaient fermés. Or nous sommes le 14 juillet, et à 9 heures le soleil est déjà haut. Les personnages sont obligés de jouer aux cartes, écrire, répéter à la lumière de lampes.

      L’explication est simple, éviter que des journalistes peu scrupuleux, postés autour du théâtre, puissent faire des clichés de RM et de son entourage à partir de l’extérieur du Castafiore.

      Cela m’a aussi simplifié l’enquête, en éliminant la piste d’une personne qui serait entrée dans le théâtre en s’introduisant par l’une de ces fenêtres.

      C Confirmation du vol du collier par Louise.

      Un élément de plus qui crédibilise la thèse du vol du collier par Louise : Dans la déposition de Cesare lorsqu’il parle de l’attachement imprudent de RM à l’égard de Louise : « ¨…RM est restée sourde à mes avertissements. Peut-être cela changera-t-il aujourd’hui, je l’espère… » Louise a en effet avoué lors de la réunion avec toute l’équipe sa tentative de vol. Ce devrait être pour RM un avertissement, il faut qu’elle garde une distance avec Louise, ne pas lui donner toute sa confiance, et surtout pas la nouvelle combinaison du coffre! 

      D – ELEMENTS DE PREUVES DE LA CULPABILITE DE CESARE

      1 – Le caviardage du dossier de Colin

      ALBATUR et SAM avaient déjà évoqué cette possibilité à laquelle je ne croyais pas au départ. Mais force est de constater que j’ai bien dû me ranger de leur côté depuis. J’ai creusé ce point.

      En effet, à la lecture du dossier complet de Colin, nous nous apercevons de deux éléments troublants :

      Il apparaît qu’une photo a été déchirée, il reste un bout accroché à une bande de scotch.

      Des phrases entières figurant dans les procès verbaux de Louise et Cesare ont été    noircies pour les rendre illisibles. Quelqu’un a aussi gommé plusieurs notes rouges de     Colin.

      Colin m’assure qu’il n’est pas à l’origine de ces interventions, il en est d’ailleurs profondément affecté.

      Remarques : Colin raye avec son stylo rouge quand il a des modifications à apporter, là il s’agit d’un stylo noir. En outre, il n’y a pas que les notes rouges qui sont gommées, certains mots tapés en noir le sont également. Quand j’ai dit cela, je n’ai rien dit, ou je n’ai pas dit suffisamment. Donc je poursuis.

      Qui a pu avoir à disposition ce dossier pour le modifier ?

      De part sa position d’impresario de Rose Marie, Cesare a des appuis haut placés dans la sphère politique. « Tous les hommes politiques lui mangent dans la main » écrit même Colin sur sa feuille individuelle de renseignements le concernant.

      Donc, Cesare a eu accès au dossier de Colin avant sa remise au ministère de l’intérieur. Il  a au moins une relation « stratégique » qui lui a procuré ce dossier. Il ne la pas eu longtemps en main, car il aurait pu en profiter pour effacer des paragraphes entiers, voir subtiliser des éléments de preuve. C’est donc « à la marge » qu’il raye les éléments les plus préjudiciables.

      Motif : il souhaite faire disparaître trois indices qui pourraient attirer des soupçons sur lui.

      Indice a : la photo déchirée. Lors de l’inventaire de la scène de l’accident, Colin écrit qu’il possède une photo de la loge prise par Ernest peu avant l’accident, et que de son côté il a pris également une photo. C’est manifestement celle qui se trouve déchirée. En effet il est probable que Colin ait fixé à gauche avec une seule bande de scotch la photo d’Ernest, et à droite avec une seule bande là aussi la leur. Le but est de passer visuellement d’un plan à un autre, avant le décès et après, pour faciliter la recherche d’indices.

      Les 2 photos sont aussi développées dans un format plus petit, probablement par les services de la police, ce qui permet à Colin d’écrire quelques notes au dessous.

      Pourquoi a t elle disparue ?

      Il est probable qu’un élément de la photo prise par la police ait laissé un indice compromettant pour Cesare.

      Qu’y a t il sur cette photo ?

      Colin parle d’Ernest complètement dépassé par les évènements. C’est  peut-être la seule personne à avoir été prise, avec le corps de Charles encore présent.

      Mais il y a surtout le bout de la lettre déchirée écrite par Cesare qu’Heinrich a placée dans la main de Charles avant de quitter la pièce.

      Cesare voit le risque que Colin y trouve un mobile : la haine entre les 2 hommes se disputant les faveurs de RM.

      Indice b : Cesare a effacé les éléments écrits qui  concernaient son espionnage de l’atelier, attitude compromettante pour lui. SAM m’a donné le déchiffrage des phrases qui se cachent sous les mots rayés ou gommés.

      Dans la déposition de Louise : “Cesare était si occupé à surveiller l’atelier”.

      Dans la déposition de Césare“… nous lui avons demandé s’il /n’avait pas surveillé/ avait pu surveiller/ l’atelier”.

      Indice c : Dans la déposition de Césare : « il confirme donc qu’il a bien pris le temps d’écrire une lettre à l’attention de Rose-Marie ». Cesare a gommé les éléments qui se rapportaient à sa lettre manuscrite, elle aussi gênante car cette lettre prouve son amour pour RM et son profond mépris pour son rival Charles.

      2 –  Un rappel en synthèse des quatre mobiles principaux qui conduisent Cesare à haïr Charles :

      – Charles est un prétendant sérieux, Rose Marie commence à flancher. Cela fait 3 ans que Cesare attend qu’elle ouvre son cœur, pas de chance il s’ouvre pour Charles, ce nouvel arrivant prétentieux.

      – on ne plaisante pas avec la famille. Le frère de Cesare, brillante carrière en politique en devenir, se trouve ridiculisé et compromis dans une affaire de corruption, de mœurs, de pot de vin. Cesare aime son frère et décide de le venger à la première occasion. C’est la faute à Charles si son frère se trouve ridiculisé et certainement mis au ban de la politique.

      – Cesare qui a des ambitions politiques (si Rose Marie refuse son offre de mariage)  se trouve freiné lui-même par la déconfiture de son frère.

      – Dans une moindre mesure, le décès de Charles fera un buzz terrible pour le concert du soir, et on parlera encore et encore de cette fameuse tournée qui trouve son apogée à la dernière séance du Castafiore.

      3 – Quelques contradictions de Cesare :

      Par ailleurs, je trouve quelques contradictions dans la déposition de Césare qui me  l’ont fait ressortir comme possible suspect.

      Dans sa déposition : « des roses rouges. Si vous voulez mon avis, sans aucun intérêt, quand on connait RM » et plus loin «j’ai bien pensé les en retirer moi même pour que leur couleur n’incommode pas RM » : c’est la preuve qu’il est à l’origine de la commande des roses rouges.

      « Heinrich était penché au dessus d’un inconnu allongé par terre » : en fait la photo de Léglise dans l’atelier le montre de façon irréfutable écouter à la porte. S’il n’a pas vu Charles, il a reconnu sa voix indéniablement…

       

    • #2657
      DUPONDT
      Participant

      Exposé 10 :

      20 juillet, 15 heures

      RM, ce banquet que vous avez organisé pour fêter la fin de la tournée, et auquel vous m’avez convié, est tout simplement grandiose.

      Me permettez vous de vous restituer les quelques confidences recueillies pendant cet excellent repas. Plusieurs d’entre vous, le vin aidant certes, m’ont fait part de leurs projets immédiats. Cela peut intéresser toute cette joyeuse assemblée.

      Pour vous RM, le travail passe avant tout, vous avez l’intention de faire une croix sur ce drame. Vous avez décidé d’épouser Cesare qui restera donc votre impresario pour la prochaine tournée, qui promet être fabuleuse. Cesare, par amour pour RM, vous oubliez votre projet politique, envie qui vous démangeait. Par intérêt pour ses compétences, vous avez décidé de garder votre pianiste virtuose Aurélien. Louise, vous avez réussi à vous faire pardonner en rejetant l’idée et l’organisation du vol du Mille-Feux sur Heinrich. Aurélien, cet accident a été pour vous un électrochoc. Vous serez devenu beaucoup plus « sociable ». Vous aimez toujours autant Louise. Louise, « qui ne veut pas s’encombrer de mauvais souvenirs », a décidé d’accompagner RM dans sa prochaine tournée, elle a encore tellement de choses à apprendre d’elle.

      Ernest vous avez prévu d’envoyer à votre fils Lucien vos 15 meilleures photos de RM et des coulisses du Castafiore, prises pendant cette folle journée du 14. Vu le talent de votre fils, je prédis qu’il en fera des articles de journaux, plutôt même un livre pour ne pas faire double emploi avec les récits de Heinrich, un livre qui dépassera en tirage tout ce qu’il aurait pu imaginer. Heinrich partit, la couverture médiatique est assurée, et je suis sûr que Cesare finira par se frotter les mains.

      Lucien, bon garçon, avec les retombées financières de son livre, pourra aider son très cher père à passer financièrement le cap de la fermeture du cabaret et lui payer une bonne cure de désintoxication. Il en a besoin.

      ET AINSI VA LA VIE DANS LA GALAXIE ROSE-MARIE !

      DUPONDT – président de l’Association ‘Les Détectives Amateurs Eclairés ».

       

      Il me semble que chacune des pièces de ce puzzle se sont emboîtées parfaitement dans ma démonstration pour former au final un ensemble cohérent.

      Il est possible que l’on puisse trouver d’autres solutions. Je laisse ce plaisir de la découverte aux autres chercheurs. Si l’on veut bien me faire appel, je pourrais apporter ma modeste contribution, selon mes disponibilités du moment.

      Pour la solution officielle, nous avons compris qu’elle serait dévoilée probablement au moment de la sortie du prochain livre.

       

      En attendant, comme je sais que certains amis détectives aiment confronter leur propres hypothèses, et pour qu’ils puissent s’exprimer en toute liberté, j’ouvre de ce pas un nouveau sujet :

      CRITIQUES DE LA SOLUTION « DUPONDT SE JETTE À L’EAU »

       

      PS : Aviez-vous remarqué que la couverture de ce livre jeu contenait nombres d’indices pour nous aider à avancer dans l’enquête : le fait que RM ne porte pas son bijou sur elle, ce qui est pour le moins bizarre quand on sait l’importance qu’elle y accorde ! Derrière elle, on retrouve le couple de voleurs Heinrich et Louise; on aurait dû voir normalement Aurélien et Louise. En troisième ligne, les deux rivaux amoureux de RM, Cesare et Charles. Cela crevait les yeux !

      En ce qui concerne l’association A.D.A.E. elle a été dissoute en  janvier 1915, suite à la guerre. Elle ne demanderait qu’à renaître de ses cendres, comme ce bel oiseau de feu, le phénix, cher à Rose-Marie. Nous avons déjà Sam qui en fait partie, Albatur peut-être.

       

       

       

       

       

       

       

       

      • Cette réponse a été modifiée le il y a 6 années et 5 mois par DUPONDT.
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