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Le lettre pouvait-elle comporter le code du coffre-fort initialement destiné à Louise ? Or c’est Rose-Marie qui la conserve au fond d’un tiroir, peut-être n’est-elle pas parvenue jusqu’à Louise. Heinrich ne possédant plus la combinaison non plus, l’entrevue avec Aurélien et sa lecture attentive du courrier ont pu lui permettre de mémoriser cette combinaison avant de la communiquer à Louise immédiatement après.
C’est assez tiré par les cheveux, mais pour l’heure tout bute sur la combinaison du coffre dont aucun indice ou témoignage n’indique comment les voleurs ont pu la découvrir.
Si ce n’est :
- L’arrivée d’un colis très attendu de Heinrich, qui était tendu depuis plusieurs jours et a retrouvé le sourire à la livraison du courrier. Le collier contenait sans doute la copie du mille-feux réalisée par le bijoutier de Lyon.
- Le coup de fil dont Louise affirme avoir attendu la fin, alors que le combiné était encore décroché lorsqu’Ernest a pris sa photo. Heinrich parlait-il avec un complice, attendant que Louise mette le plan en application avant de le confirmer ? Louise agit-elle de son plein gré, ou bien sous la contrainte ?
L’ordre d’arrivée des témoins indique l’implication de chacun :
- Louise était déjà dans la loge, occupée à commettre son forfait lorsque Charles est arrivé. Elle ment sur plusieurs points, aussi est-il permis de penser qu’elle ment en accusant Charles d’un accès de folie. En revanche, celui-ci a pu tenter de l’arrêter et mourir dans l’altercation conformément au témoignage de Louise. Elle aura alors pris le temps de maquiller la scène et de terminer le travail avant d’appeler au secours. Ou bien…
- Aurélien, est arrivé alerté par l’appel au secours de sa femme prise par surprise. Heinrich l’avait retenu dans le salon à dessein afin d’éviter qu’il ne surprenne son épouse en plein cambriolage. Arrivé sur les lieux, si Charles était en train de s’attaquer à Louise, sous le coup de l’émotion et des propos d’Heinrich quelques instants avant, il peut avoir tué Charles volontairement ou par accident.
- Heinrich est arrivé juste après. Aurélien ne semblant pas de mèche avec le projet de cambriolage, Heinrich ne peut être impliqué directement dans la mort de Charles. Il peut en revanche avoir contribué à maquiller rapidement la scène, en suggérant que Louise griffe Charles et prétexte une agression. Aurélien ne peut qu’approuver, compte tenu de ses antécédents qui l’auraient mis en mauvaise posture.
- Cesare est arrivé très vite après Heinrich, laissant peu de temps à ce dernier pour faire beaucoup plus. C’est lui qui avait pris les doubles des clés, afin d’accéder à la loge pour y déclarer sa flamme : il a insisté pour qu’Ernest les cherche une fois ceux-ci remis en place, ce que Cesara a pu faire juste avant que Charles et Ernest n’arrivent pour trinquer… Raison de sa présence à proximité de l’atelier, lorsque Louise l’a surpris en train d’épier les libations des deux complices.
- Le machiniste et Rose-Marie sont arrivés bons derniers, innocents comme des enfants venant de naître.
Notons qu’Aurélien a raccompagné Louise au salon et que Cesare a raccompagné Rose-Marie tandis qu’Heinrich fermait la porte de la loge sous les yeux d’Ernest, avec le trousseau de doubles que ce dernier venait de retrouver.
Dans la mesure où Louise cachait sans doute le mille-feux sous le châle (sinon pourquoi le porter) et qu’elle possédait sans doute la clé de la loge (subtilisée le matin même afin d’accéder au coffre), il lui a fallu s’en débarrasser en passant devant l’étagère. La manière dont le mille-feux est placé sur le mannequin rend les l’opération difficile, surtout en présence d’Aurélien, c’est le plus ennuyeux dans cette hypothèse. En revanche, Rose-Marie n’a pas vraiment eu le loisirs de s’apercevoir du fait que Louise portait ses gants et son châle vu l’état d’émotion qui a précédé et suivi son évanouissement.
Charles cherchait à séduire Rose-Marie, comme d’autres artistes avant elle, et ce avec la complicité d’Ernest. Les témoignages et les faits ne suggère aucune autre hypothèse.
En effet tout porte à croire que c’est une affaire de vol :
- Louise et Heinrich mentent tous les deux à propos de l’absence du châle de Rose-Marie dans le salon. C’est d’ailleurs la seule erreur que commette Heinrich
- Louise ment en affirmant que Charles ait pu avoir une valise à la main tout en ayant applaudit un instant avant, et ce alors qu’aucun autre témoin ne se souvient réellement d’avoir vu une valise ce jour là
- Louise porte le châle et des gants, alors qu’un cadre a été soigneusement déplacé pour libérer l’accès au coffre-fort, tandis que le reste de la pièce a été retourné sans ménagement.
- Le mille-feux et la clé de la loge toujours portée disparue (seuls les doubles ont été retrouvés par Ernest) se trouvent dans l’étagère à la sortie de la loge, comme si quelqu’un s’en était débarrassé en cherchant à les cacher pour les récupérer plus tard
- Un bijoutier de Lyon était en mesure de fabriquer un faux suffisamment crédible pour que Rose-Marie ne s’en aperçoive pas lorsqu’elle a contrôlé le contenu du coffre. En revanche, elle a pu découvrir le pot aux roses (marie !) le soir du concert, ce qui explique sa colère et le fait qu’elle donne raison à Cesare qui l’avait toujours mise en garde.
Plusieurs éléments poussent à conclure qu’Heinrich est l’auteur de cette lettre :
- l’usage d’une machine à écrire
- le fait qu’il était sur le point de rejoindre la tournée au moment où Aurélien a découvert la lettre, donc de retrouver physiquement sa destinatrice
- l’emploi de l’expression d’aventurière, qu’il utilise dans sa déposition pour qualifier Louise et Rose-Marie
Louise en est probablement la destinataire :
- Aurélien en est convaincu, peut-être est-ce un sursaut de lucidité chez ce jaloux maladif
- Âgés de 28 et 21 ans, Heinrich et Louise sont les deux cadets du casting, « deux enfants qui jouent à se faire peur »
- Rien ne permet de penser qu’Heinrich ait pu côtoyer Rose-Marie avant de rejoindre la troupe. Alors que le séjour de Louise à Paris leur en laissait tout le loisirs
La lettre nous apprend que tous deux avaient un projet commun, leur « enfant ». Secret et glorieux à la fois, ce projet était sans doute le vol d’un bijou unique entre tous : le mille-feux de Rose-Marie.
Le ton de la lettre laisse penser qu’Heinrich cherche à « tenir » Louise en jouant les amants transis. Or, son interrogatoire révèle un caractère très joueur et manipulateur. Sans Louise il ne peut rien, mais c’est bien lui le cerveau du crime.
Aurélien secrètement amoureux de Rose-Marie ? Quel élément suggère cette déduction ?
Rose-Marie a fait une promesse à Charles. Faute de mieux, on suppose qu’il s’agit de chanter pour la Paix.
Ernest a cru que c’était la lettre parfumée (sans doute celle avec le coeur rose sur l’enveloppe) qui avait redonné le sourire à Heinrich… Mais il s’agissait sans doute plutôt du paquet. Heinrich était tendu jusque là, sans doute parce qu’il craignait que le colis n’arrive pas à temps pour mettre son plan à exécution.
Le premier à rejoindre Louise est Aurélien. Si l’on en croit Heinrich, il s’est précipité dès que Louise a crié (pas avant). Heinrich est arrivé après, mais son témoignage laisse planer le doute (p.63) : « lorsque je suis arrivé dans la loge Louise était déjà dans les bras d’Aurélien, tandis qu’un homme se trouvait étendu à terre ».
Aurélien a fort bien pu mettre Charles au tapis pour défendre son épouse, la croyant en danger, encore sous le coup des encouragements de Heinrich. Une fois arrivé, Heinrich aura aidé le couple à maquiller le crime, gagnant du même coup la confiance d’Aurélien.
Les différentes clés disparues confirment le scénario. Celle de la loge a été subtilisée par Louise dans le but de pénétrer dans la loge pour y commettre son forfait. Elle s’en est débarrassée au même endroit que du collier. Les doubles ont été subtilisés par Cesare afin de laisser un mot à Rose-Marie, il les a remis dans l’atelier d’Ernest juste avant que le machiniste ne revienne avec Charles. Ceci explique sa présence à ce moment de l’histoire, et le fait qu’il ait été surpris par Louise à espionner Charles et Ernest. L’évènemement a été retiré des rapports grâce à l’influence de son frère.
Il faudrait compléter cette chronologie par les horaires d’arrivée de chacun des protagonistes sur la scène du crime (car c’en est une). Louise et Charles y sont déjà, mais qui a pu les rejoindre le premier (peut-être même avant l’appel de Louise), et de combien de temps a-t-il bénéficié avant d’être rejoint par d’autres ?
Concrètement, Louise aurait difficilement pu causer autant de dégâts sauf par accident. Il semble plus probable que quelqu’un l’a rejointe juste après Charles, arrivant par derrière il aura pu l’assommer (mais avec quoi ?) avant de maquiller la scène (griffure, déplacement des objets…). La disparition d’une carafe et de deux verres reste intrigante (il y a une salle de bain attenante…).
Le passé d’Aurélien plaide contre lui… Et si son énervement n’était pas de la jalousie, mais plutôt la contrariété de voir Charles arriver au moment où le vol doit être mis à exécution ?
Heinrich semble mêlé à l’affaire (le bijoutier de Lyon, le paquet reçu le jour même et ouvert dans le salon, la visite successive de Louise et d’Antoine).
Tout comme sa visite, sa mort n’était pas préméditée.
Il est arrivé au mauvais endroit au mauvais en moment en prenant sur le fait le(s) voleur(s) du bijou de Rose-Marie.
Les autres témoins n’ayant entendu aucun bruit (alors que l’exclamation de Charles peu avant avait été entendue de plusieurs) laisse penser qu’il a été pris par surprise. Difficile de dire s’il y avait une réelle intention de le tuer, ou si c’est une tentative de l’assommer qui a abouti à ce résultat. En effet, d’après l’autopsie il a d’abord été paralysé par le choc avant de mourir par asphyxie.
Strictement aucune preuve ne permet de l’affirmer. La seule personne à soutenir cette idée est Louise, qui est aussi la principale concernée par la nécessité de justifier sa version de la mort de Charles. Aucun autre témoin ne se souvient d’une valise ou d’une serviette, certains affirment même avec certitude qu’il n’y en avait pas ce jour là.
Comprenant que Charles est mort parce qu’il s’est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment en prenant le voleur sur le fait, elle lui écrit « pardonnez-moi » et s’engage à tenir sa promesse de continuer à chanter pour la paix.
